Du franc CFA à l’ECO: Quels véritables changements attendus ? ( Économistes )


Le nom du projet de monnaie unique des 15 pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) était envisagé initialement en décembre 2009. Sa mise en place a été ensuite prévue pour le troisième trimestre 2020, mais finalement repoussée à une date indéfinie en remplacement du franc CFA (UEMOA) dans les huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. En décembre 2019, à Abidjan, Alassane Ouattara et Emmanuel Macron ont le sourire des grands jours. En effet, le président ivoirien et son homologue français ont convoqué la presse pour annoncer la fin du franc CFA. 


D’ailleurs, Alassane Ouattara a appelé les pays de la CEDEAO à accélérer les actions nécessaires pour l'introduction de l'ECO, ce projet de monnaie unique de cette sous-région, lors de son discours le 11 octobre 2024, lors de la première rencontre du partenariat stratégique entre la Côte d’Ivoire et le Ghana.

Cependant, l'ECO, qui doit être substitué au franc CFA dans les huit pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), pose des questions. Qu’est ce qui retarde sa mise en œuvre ? Quel est le sens de sa mise en œuvre ? Bien que le nom ait été modifié et que certaines réformes ont été annoncées, le lien avec l'euro, par le biais d'une parité fixe, restera t-il intact aux yeux des économistes ? 


Mor Gassama, économiste et enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Nicolas Agbohou, professeur en économie et auteur de l’ouvrage «le franc CFA et l’Euro contre l’Afrique» et d’autres économistes se sont prononcés sur les avantages et inconvénients de ce passage du franc CFA à l’Eco. Selon le premier nommé, « la rupture avec le système du franc CFA ne sera pas automatique avec le changement de nom. Il estime qu’il s’agit plutôt d’une décision politique ». En sus, « l’avènement de l’Eco est une victoire à célébrer avec beaucoup de modestie. Car, il existe encore de nombreuses zones d’ombre par rapport à la mise en circulation de cette nouvelle monnaie », ajoute l’enseignant-chercheur de l’Ucad. 


Pour sa part, Nicolas Agbohou, professeur en économie et auteur de l’ouvrage «le franc CFA et l’Euro contre l’Afrique» estime que malgré les modifications annoncées, les disparités entre l'ECO et le franc CFA ne seront pas aussi importantes. Le projet, loin d'être un véritable progrès économique pour l'Afrique de l'Ouest, laisse songer à une véritable libération de l'influence économique française. « Ce projet représente une opportunité unique pour les pays de la CEDEAO d’affirmer leur indépendance monétaire. Toutefois, la réussite de l’ECO dépendra de la capacité des États membres à réaliser des réformes économiques significatives, notamment en matière d’inflation et de gestion du déficit budgétaire » précise l'auteur dans son livre. Les initiatives sur l'indépendance économique des pays de l'Afrique de l'Ouest sont de plus en plus fortes. Cependant, selon Agbohou, « Le fait que la Banque de France continue de garantir la convertibilité de l’ECO par rapport à l’euro pourrait limiter l’autonomie monétaire de la CEDEAO ». 


En revanche, Kako Nubukpo considère que l'Eco a de nombreux avantages : c’est une nouvelle monnaie qui pourrait faciliter les échanges commerciaux et financiers par exemple réduire le coût des transactions entre les pays et renforcer la concurrence. Ce qui rend le CFA aussi intéressant, « c'est que quelque part, il concentre tous les maux des économies de la zone franc c'est-à-dire, l'absence de vision, l'absence d'une gouvernance digne de ce nom et la difficulté à comprendre que le développement est un processus endogène et que l'enjeu, c'est le financement du marché intérieur. C'est-à-dire que le Franc CFA est un véhicule de l'extraversion, c'est à dire qu'il permet d'accompagner la sortie des capitaux qui devrait normalement rester en Afrique, zone franc pour financer l'émergence ». Bref, pour que l'Eco s'impose, il reste à savoir jusqu'où les pays de la CEDEAO sont prêts à aller pour parvenir à cette union monétaire. Selon plusieurs économistes africains dont Nicolas Agbohou, « il faut cependant un lancement d’une monnaie avec une véritable refonte des politiques monétaires impliquant tous les acteurs ».
Samedi 19 Octobre 2024
Dakaractu