Dans le Huffington Post, Craig Crawford considère que le président américain est parvenu à gagner du temps et des voix potentielles : "Le président a ce qu'il voulait le plus : repousser une nouvelle bataille sur le plafond de la dette à après les élections, sans réductions de dépenses politiquement dommageables." Si l'accord est à première vue défavorable à Obama, "rien ne pourrait l'aider plus que son effort évident de se rapprocher du centre et de lancer un appel aux électeurs indépendants en vue d'une réélection", juge Crawford.
Une stratégie que Tim Stanley, dans The Telegraph , aborde avec humour :"Obama le libéral est mort. Vive Obama le centriste." Face à lui, le président de la chambre des représentants John Boehner est "blessé", acculé à droite : "La stratégie que les recrues du Tea Party l'ont obligé à suivre était à haut risque et a troublé l'électeur moyen, surtout les personnes âgées."
"Obama, en revanche, a émergé des négociations en paraissant relativement modéré", poursuit Stanley. Selon lui, le président, qui n'a évoqué que la question des risques liés à la baisse des dépenses, a laissé aux républicains la conduite les débats. Et la mauvaise presse.
"Il semble probable qu'Obama abandonne sa stratégie de 'motiver la base' en faveur d'une main tendue aux indépendants", explique le journaliste. Il met toutefois en garde le président américain contre tout opportunisme en temps de crise : "La stratégie avait marché pour le président Bill Clinton contre Bob Dole en 1996 parce que le chômage et l'inflation étaient très faibles."
Le pari réussi des républicains
"Barack Obama aurait dû être le grand gagnant" du débat, affirme Ross Douthatdans The New York Times. Depuis des semaines, les sondages suggèrent que les Américains préfèrent ses propositions mêlant réductions de dépenses et augmentations d'impôts à l'approche anti-fiscale du Parti républicain. "Pourtant, la popularité du président a progressivement sombré pendant des semaines, atteignant un niveau de 40 % dans un récent sondage Gallup. Les électeurs (...) sont de plus en plus nombreux à juger que sa présidence est un échec", explique-t-il.
Ross Douthat évoque "un président diminué", dont les pouvoirs ne cessent d'être réduits à mesure que son mandat avance : "Depuis les élections de mi-mandat, la tactique de la Maison Blanche a toujours profité au président Obama à court terme, tout en diminuant son autorité générale", explique le responsable des pages Opinions du journal, qui cite comme exemples le débat sur les déficits de l'hiver dernier, la guerre en Libye et l'accord sur le plafond de la dette, dossiers sur lesquels Barack Obama ne jouerait qu'un rôle d'arbitre.
"L'avantage va aux républicains", confirme Felicia Sonmez du Washington Post . Ils"ont pour la première fois transformé un vote de routine (...) en une occasion deconcrétiser leur engagement à réduire [les moyens budgétaires] du gouvernement." La journaliste voit dans la signature de l'accord "une grande victoire" pour le Parti républicain et "un pari de taille" pour Obama.
Car, avance George E. Condon Jr dans les colonnes du magazine The Atlantic, l'accord passé pourrait l'empêcher de gouverner correctement pendant les douze prochains mois : "Pour gagner sa réélection, il a besoin d'une économie en meilleure santé avec la création d'emplois robustes. (...) La Maison Blanche, tout au long de ce débat, était parfaitement consciente que des réductions de dépenses massives poseraient un grave défi à une reprise déjà fragilisée par les coupes nationales et locales dans les dépenses gouvernementales." Le journaliste constate qu'Obama n'a rien obtenu de ce qu'il demandait au départ, que ce soit l'élévation du plafond de la dette ou l'augmentation des recettes.
Selon Eleanor Clift, de The Daily Beast, c'est la frange la plus conservatrice du Parti républicain qui sort triomphante des débats : "Le Tea Party a été enhardi, et il faudra probablement faire plus de demandes de crédits une fois que le processus se mettra en branle à Capitol Hill, [le siège du Congrès]."
"Aucun gagnant, que des perdants"
"La bataille budgétaire épique n'a pas résolu une question : à quel parti peut-on faire le plus confiance pour gouverner ?", observe Jeff Zeleny du New York Times. Il estime qu'aucun camp ne peut revendiquer la victoire des débats : "Le président, avec sa réélection à l'horizon, sort diminué de la confrontation, après avoir abandonné beaucoup de terrain (...) et les dirigeants républicains, notamment le Président John A. Boehner, sont affectés par les positions intransigeantes du mouvement Tea Party."
Le National Journal compte les points et conclut également à un match nul : "C'est un accord qu'aucun n'aime particulièrement, qui porte un coup à la popularité de chacun et jette une ombre sur l'économie américaine."
Sur son blog hébergé par le Guardian, Richard Adams cite les deux principaux locuteurs du débat : "Barack Obama est venu à la télévision nationale pour dire : 'Est-ce l'accord que j'aurais aimé ? Non.' [John Boenher ] a dit à des journalistes : 'Ce n'est pas le plus grand accord du monde.'"
"Il est tout à fait possible qu'Obama et Boenher soient sans job d'ici à janvier 2013", prédit le correspondant du quotidien à Washington, qui donne à son analyse un titre on ne peut plus clair : "Crise de la dette américaine : une satanée bataille avec aucun gagnant, que des perdants." Afin de trancher tout de même, le journaliste donne un léger avantage à Barack Obama, qui a repoussé le débat autour des questions fiscales après les élections de 2012.
Gaël Lombart
( Avec Le Monde )