Déclaration de l'association des anciens pensionnaires de l'institut des jeunes aveugles du Sénégal AAPIJAS à l'occasion de la célébration de la journée internationale des personnes handicapées le trois décembre 2011.


Association des Anciens
Pensionnaires de l’institut
des Jeunes Aveugles (AAPIJAS)

Déclaration pour la journée internationale des personnes handicapées

Voilà 10 ans que l’association des anciens pensionnaires de l’institut des jeunes aveugles du Sénégal (AAPIJAS) a été créée à Lyon en France. Elle compte une section au Sénégal depuis 2006 et regroupe des diplômés en droit, en sciences politiques, en sociologie, en psychologie, en informatique, en administration, en communication, en santé publique etc.
L’AAPIJAS est la traduction d’une volonté de ses membres de relever les défis de l’intégration sociale et de l’insertion socioprofessionnelle des personnes handicapées. Elle se veut un forum de solidarité, et d’entraide entre ses membres sans quoi les personnes handicapées courraient inéluctablement vers leur perte.
La journée internationale des personnes handicapées que l’humanité toute entière s’apprête à célébrer ce 3 décembre 2011, revêt une signification toute particulière en ce qu’elle est pour nous, un moment de bilan et de perspectives.

Si l’AAPIJAS se félicite de quelques avancées en matière d’éducation et d’emploi, leurs portées limitées ainsi que les difficultés qui ont récemment marqué l’actualité ne lui permettent guère de s’en contenter.
Dans le domaine de l’éducation, le seul institut des jeunes aveugles dont dispose le Sénégal a vu sa capacité d’accueil passer de 100 à 160 pensionnaires, grâce à un élan de cœur et de lumière du Lions Clubs. A travers ce geste, une soixantaine de jeunes non voyants se voient offrir par ce dernier une chance de se réaliser. Par ma voix, l’AAPIJAS l’en remercie et lui sera à jamais reconnaissante. Elle s’émeut toutefois du grand nombre de jeunes aveugles encore oubliés dans les abîmes de l’ignorance et de la désespérance.
Voilà pourquoi nous rappelons l’Etat à son devoir d’éducation et de formation de tous les non voyants par des écoles publiques dont l’effectivité est garantie par la Constitution (article 22). Il doit en effet tenir cette promesse constitutionnelle concrétisée par la loi d’orientation sociale relative à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées, notamment par la construction d’autres instituts afin que l’école de la république puisse amener tous les enfants handicapés à la réussite et à l’épanouissement.
Certains vivent-il d’ailleurs une inquiétude quant à leur avenir et une crise de confiance en la capacité de la république à pouvoir leur donner une chance.
En effet, 13 bacheliers aveugles déplorent l’impossibilité de poursuivre leurs études en France faute de préinscription. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les conditions matérielles ne sont pas réunies pour qu’ils continuent leurs études au Sénégal. Nous comprenons leur peine. Mais ils ont de quoi être rassurer pour nourrir encore de belles ambitions. Faudrait-il le faire remarquer, l’octroi de bourses aux étudiants non voyants ne souffre d’aucun problème sérieux depuis une douzaine d’années. Bien plus, nous compatissons et nous associons à eux pour que leur droit à l’éducation soit respecté. Nous profitons de cette occasion pour inviter la direction de l’institut à ne ménager aucun effort pour que pareils disfonctionnements ne se reproduisent à l’avenir. Nous appelons les autorités administratives et consulaires, les partenaires sociaux ainsi que les principaux intéressés à dépassionner le débat et à collaborer pour réaliser la promesse républicaine de l’émancipation à travers l’école.
Au même titre que les autres, la personne handicapée a besoin d’une éducation ou d’une formation pour se faire. Elle a aussi besoin de s’insérer professionnellement pour ne pas se défaire. Ainsi a-t-elle besoin de travailler dans le but de s’émanciper et de s’épanouir socialement. Puisqu’une loi en ce sens a été votée, l’on peut être optimiste. Mais parce qu’ailleurs des lois n’ont pas suffit à faire tomber des barrières sociales, la prudence doit être de mise. Quelle que soit la netteté des droits conférés, rien n’est véritablement acquis. En témoigne la grande peine à concrétiser la volonté présidentielle matérialisée par l’article 29 de la loi d’orientation sociale de recruter des diplômés handicapés dans la fonction publique. Pourtant la dite loi avait suscité un grand espoir auprès de la cible. Juristes, spécialistes des marchés publics, spécialistes des questions de politiques étrangères et de défense, enseignants spécialisés, informaticiens, spécialistes en communication, fort enthousiastes, avaient déposé leurs dossiers qui restent encore en souffrance à la fonction publique. Et l’avenir radieux qu’elle promettait fait désormais place aux doutes et aux incertitudes. L’AAPIJAS regrette qu’ainsi s’éteignent fréquemment des énergies citoyennes participatives. L’accès à l’emploi n’est pas en soi une faveur faite à la personne handicapée, mais un de ses droits absolus et indispensables à sa participation active à la société.
Si nous voulons effectivement intégrer les personnes handicapées, il faudra manifester une réelle volonté politique, il faut faire preuve d’intelligence et de vision. Si nous voulons éradiquer la mendicité demain, il nous faut éduquer et donner ainsi les armes pour la récuser aujourd’hui. Le culte de la maint tendue est révolu ! Faire de l’assistanat le moyen par excellence de promotion sociale, c’est décidément faire preuve d’ignorance et de naïveté sympathique. C’est assurément le pire service qu’on peut rendre aux personnes en situation de handicap.
C’est fort du refus de l’assistanat que l’AAPIJAS a élaboré le programme mendicité zéro et entend accompagner les pouvoirs publics dans la prise en charge de la question du handicap.
Une dynamique est donc enclenchée. Conjuguons nos efforts afin que rien ne nous fasse retourner vers le passé. Il est d’une urgente nécessité l’élaboration et la publication des décrets d’application de la loi d’orientation sociale pour un Sénégal juste, une république qui donne une chance à tous ses fils.

A ceux-là non handicapés, nous les invitons à agir ensemble, à cultiver le vivre ensemble quelles que soient nos différences. Notre différence n’est pas votre indifférence, elle n’est pas non plus notre incompétence.

A ceux-là handicapés, nous exhortons à prendre conscience que les obstacles à l’intégration et à l’insertion professionnelle sont encore nombreux. Soyons debout et unis pour prendre toute notre part à la construction de notre nation. Nous sommes nombreux mais désarmés et étouffés parce que non organisés. Nous sommes inaudibles parce que ne parlant pas d’une seule voix. Soyons en conscients. C’est ensemble et unis que nous vaincrons. Ouvrons nous, montrons nous à la face de la nation, mêlons nous à sa vie, nous en sommes parti, nous en sommes les fils légitimes.
Mais n’acceptons jamais que l’on soit meilleur que nous dans notre rapport commun à la sagesse, à l’argent, et au sens de l’honneur. « Rien pour nous sans nous ». Informons nous, allons obstinément à la quête du savoir de sorte à pouvoir alerter les pouvoirs publics afin de permettre à l’Etat d’adapter sa politique sur le handicap à nos préoccupations. Le Sénégal s’apprête à vivre des élections présidentielles en 2012. Ce scrutin que nous voulons apaisé, doit être l’occasion, pour nous personnes handicapées, d’amener les politiques à faire de la question du handicap un thème majeur du débat politique de 2012.
À celles et à ceux qui luttent contre toutes les formes d’exclusion et de stigmatisation, celles et ceux qui nous offrent de leurs yeux pour guider, leur cœur pour aimer et leur temps pour aider, celles et ceux qui se battent pour le triomphe de la dignité des personnes handicapées, nous disons toute notre gratitude, et souhaitons une bonne journée à ces dernières. Que Dieu protège chacune et chacun d’entre nous, nous guide dans notre combat et nous maintienne sur les rails de la participation citoyenne.

Le président

M. DIOUF Cheikh Saad-bouh
Tél. 00 33 645 67 78 98
E-mail: sadibou2005@hotmail.fr

Vendredi 2 Décembre 2011
Cheikh Saadbouh Diouf, président de l'AAPIJAS