Conclusions du FMI après sa mission: vit-on un bourrasque ou un amoncellement de nuages sur l’économie sénégalaise ? (Avis d'experts)


L’équipe du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par M. Edward Gemayel, a effectué une mission au Sénégal du 5 au 12 septembre 2024 afin de poursuivre les discussions entamées en juin concernant le programme économique des autorités soutenu par les accords de la Facilité élargie de crédit (FEC) et du Mécanisme élargi de crédit (MEDC) du FMI, pour un montant de 1 132,6 millions de DTS (environ 1,5 milliard de dollars américains), combinés avec la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD) de 242,7 millions de DTS (environ 320 millions de dollars américains). Une situation économiquement inquiétante d’après les constats du Fmi qui liste également ses recommandations



La parole est donnée aux économistes qui, aux avis tranchés, décrivent la situation économique que le Sénégal est en train de traverser. Mamadou Samba Hann, professeur à l’université rappelle pour sa part que les autorités ont évidemment trouvé sur place le legs de tout ce qui s’est passé ces dernières années. Elles viennent trouver une situation et toutes les orientations de la politique économique sénégalaise demeurent ainsi que ce qui a été voté pour toute l’année 2024. Il est difficile considère-t-il, de faire, au moment où nous sommes, des réformes. Trop de paramètres à prendre en compte: aller à l’Assemblée, corriger certains couacs budgétaires etc. 



En réalité, estime l’économiste qui a lu le rapport du FMI sur la situation économique du Sénégal, « il faut une nouvelle réorientation ». C’est d’ailleurs ce que le Fmi vient de recommander aux nouvelles autorités. « Nous avons remarqué que le Fmi a, depuis quelque trmps commencé à demander au Sénégal de revoir sa politique de subvention notamment dans le secteur de l’énergie. Ce qu’il a rappelé dans son rapport au terme de sa mission du 5 au 12 septembre 2024 », se félicite Dr Hann. Il faut donc procéder à une subvention plus ciblée et les réformes doivent être faites pour changer la donne et permettre au Sénégal de prendre une meilleure trajectoire. Mais il faut attendre les résultats dans le long terme. Dans ce contexte économique, le Fmi est d’avis que les autorités mettent en œuvre des mesures fortes, notamment la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques non ciblées et coûteuses, pour assurer un retour rapide à l'objectif de déficit budgétaire et placer la dette publique sur une trajectoire résolument décroissante ». Enfin, Dr Mamadou Samba Hann prône des ajustements qui feront notamment profiter le Sénégal à plusieurs niveaux. « Il faut aussi profiter de la manne pétrolière et gazière avec les réorientations qui peuvent présager de meilleures perspectives », a t-il martelé. 





Comment sortir de cette tempête économique ? 



En revanche, le macro-économiste et banquier d’affaires, Seydina Alioune Ndiaye estime que le rapport du Fmi aurait une tonalité un peu alarmiste par rapport aux micmacs entre les recettes et les dépenses. Aussi, notera-t-il un déficit et un dérapage de tout ce qui est endettement et qui est au dessus de la norme communautaire. 



Mais la première chose qu’il en fera, c’est d’abord que les autorités communiquent sur ce qu’elles sont en train de faire pour partager l’information avec le public notamment sur la dernière obligation d’Eurobond qui a été faite. « Nous avons besoin d’une large communication sur la politique économique de l’Etat du Sénégal. D’autant plus qu’il n’y a pas assez de visibilité compte tenu de tous les remous politiques que nous connaissons », fera-t-il remarquer. 



Selon lui, le budget du Sénégal en considérant la masse salariale, qui est autour de 2000 milliards, le service de la dette autour de 1500 milliards et les subventions, « nous constatons qu’il y a très peu de marge de manœuvre ». Déjà, l’électricité au Sénégal coûte excessivement chère et d’ailleurs, le montant de la subvention tourne aux environs de 850 milliards. « Elle est indifférenciée au regard des différents destinataires. Les subventions, il faut le savoir, ça creuse le déficit », assure l’économiste. 



Un autre point que le Fmi a soulevé et qui reste préoccupant : c’est que l’activité économique est en train de connaître une certaine contraction qui est due à l’endettement du secteur privé. Se fiant au dernier rapport d’exécution budgétaire, « le montant du service de la dette aux entreprises privées tourne autour de plus de 300 milliards. Et ce n’est que 10% de cette dette qui est déjà versée. C’est pourquoi la conjoncture dans ce pays est un peu difficile », précise-t-il. Ainsi, il urge pour les autorités du pays de redresser la barre en faisant surtout, un meilleur passage de l’information et de sortir de cette tempête dans un verre d’eau, des remous politiques pour parler économie et comment redémarrer la machine économique.
Samedi 14 Septembre 2024
Dakaractu