Mesures de représailles du ministre Kalidou Diallo / Relation entre l’accès des enfants à l’école et les frais d'inscriptions / Suppression du corps des volontaires / Prolifération des abris provisoires / Retard dans le paiement des salaires /
Le Coordonnateur de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP) dénonce la mesure d’affectation qui frappe une enseignante de Bambey. Pour préserver le caractère sacré de l’école, dit Cheikh Mbow dans cet entretien, il faut éviter que des considérations politiciennes ne puissent s’immiscer dans sa gestion.
Des mesures de représailles ont été prises par le ministre Kalidou Diallo à l’endroit de certains directeurs. Comment vous appréciez, en tant que défenseur de l’école, cette décision du ministre ?
Il y a deux niveaux d’appréciation par rapport à ces mesures. D’abord, c’est le fruit d’un long plaidoyer que nous avons entamé depuis 2007, qui est la question de la gratuité de l’école. Nous y croyons. Nous pensons que si nous voulons être au rendez-vous de 2015 dans 3 ans, il est important que l’école publique soit gratuite. Qu’il n’y ait pas de frais d’inscription qui puissent conditionner l’accès ou le maintien d’un élève à l’école, c’est important. Il faut savoir aujourd’hui que l’école est un facteur d’ascension sociale. Beaucoup de familles comptent sur elle pour changer de statut social ; et il y a des familles modestes pour ne pas dire pauvres qui ne pourront jamais bénéficier d’une offre éducative de qualité tant qu’elle sera liée à de quelconques frais. Voilà pourquoi, depuis 2007, dans le cadre d’une étude que nous avions menée en même temps que nos camarades de l’Ouganda, du Malawi et de la Tanzanie, nous avions demandé l’arrêt de la privatisation de l’école, car on tendait de plus en plus vers cela. Ce qui faisait qu’il y avait en plus des frais d’inscription, d’autres frais opportunistes.
Si nous raisonnons par rapport à cette dimension, nous ne pouvons que saluer toute mesure qui va dans le sens de rappeler la gratuité de l’école publique. La gratuité mais aussi l’obligation de l’école, parce qu’il faut le dire, l’Omd 2 précise dans son Ob¬jectif 1 de l’Education pour tous (Ept), que l’enseignement primaire doit être obligatoire et gratuit. Nous avions constaté l’année passée, qu’il y avait des établissements scolaires qui demandaient des frais d’inscription allant parfois jusqu’à 35 000 francs. C’est énorme et nous l’avions dénoncé. C’est d’ailleurs ce qui avait valu la tenue du séminaire de Saly qui a eu comme résultat cette fameuse lettre circulaire qui a fait le rappel de la gratuité. Nous avons cette année aussi rappelé, suite à la saisine de nos antennes régionales, qu’il y avait des établissements publics qui demandaient entre 4 000 et 7000 francs de frais d’inscription, ce qui est inconcevable. De ce point de vue, il faudrait qu’on puisse redonner une certaine place à l’école publique. Voilà ce qui fait que nous saluons cette décision.
Maintenant, il faut dire que la gratuité ne doit pas être seulement un discours, ni un simple décret, il y a des mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, ce qui fait que les directeurs sont obligés de faire appel à ces frais d’inscription, c’est parce qu’il leur faut prendre en charge l’eau, l’électricité, le gardiennage et beaucoup d’autres frais. Donc la sanction doit servir d’avertissement pour les directeurs et permettre à l’administration scolaire de pouvoir doter des ressources aux écoles. Il faut que l’Etat donne les ressources nécessaires aux écoles de sorte qu’elles n’aient pas besoin de demander encore de l’argent aux enfants. Il faut que les collectivités locales jouent véritablement leur rôle. Il faudrait que les écoles puissent disposer de leurs ressources qui leur permettent de pouvoir s’autogérer. Autrement, comme tout administrateur, les directeurs seront obligés de trouver des solutions et parmi elles, ils peuvent être appelés à demander des frais d’inscription qui ne seront pas à la portée de tous les enfants.
Toujours à propos de ces mesures, il y a le cas d’une enseignante à Bambey….
(Il coupe). Ce qui s’est passé à Bambey, c’est tout à fait autre chose. L’éducation ne doit pas être prise en otage par les politiciens au moment où le système éducatif est confronté à des défis et enjeux majeurs. L’éducation, c’est du sérieux. Il faudrait donc que certaines considérations politiciennes ne puissent pas s’immiscer dans la gestion de l’école. De ce point de vue, nous ne pouvons que le dénoncer. Il ne faudrait pas que des préoccupations politiciennes puissent impacter sur la gestion et le fonctionnement de nos écoles. Il est important que les gens puissent se le dire, si nous voulons avoir une éducation de qualité qui mette l’apprenant au centre des préoccupations.
Vous avez évoqué une étude réalisée au Sénégal et dans d’autres pays africains. Est-ce que les résultats ont montré une relation entre l’accès difficile de certains enfants à l’école et les inscriptions élevées imposées aux parents ?
Oui ! Comme je l’ai dit, c’est une étude menée depuis 2007 qui avait comme objectif, l’amélioration des résultats scolaires dans ces quatre pays. Et nous avions dit, comme hypothèse, que si nous avons des enseignants bien formés et des parents mieux impliqués, on va avoir de la qualité. Nous sommes partis de cette hypothèse dans l’étude. Il y a eu deux résultats forts suite à cette étude. Le premier, c’est qu’il y avait trop de frais opportunistes ; et c’est là où on a dépassé la notion de frais d’inscription. On s’était rendu compte qu’au-delà des frais d’inscription, il y avait beaucoup d’autres frais liés à l’achat ou à la réparation de matériel. Ce qui faisait qu’il y avait beaucoup de frais attendus de l’enfant, et ceci obligeait le parent à procéder à ce qu’on appelle une discrimination. Nous nous sommes rendu compte que dans certains villages à Tam¬ba¬coun¬da, il y avait des parents qui étaient obligés de procéder par discrimination. Entre donner 150 francs à l’école et prendre cette somme pour acheter du pain, ils choisissaient d’acheter du pain. Et quand on parle de discrimination, ce sont les filles qui deviennent perdantes, car il faut les sortir de l’école, au profit des garçons. L’autre résultat fort de cette étude, c’est les fameux quotas sécuritaires. On a eu aussi un résultat important parce qu’on s’était rendu compte que pour faire de la qualité, il fallait miser sur l’enseignant. Un enseignant de qualité ne relève pas de l’invention, c’est quelqu’un qu’il faut former en ce sens, car on ne nait pas enseignant. Donc s’il n’est pas bien formé et bien motivé, on ne pourra pas garantir la qualité dans l’éducation. Voilà les deux résultats majeurs qui sont sortis de cette étude.
Pour le quota sécuritaire, nous avions constaté qu’après une longue campagne de plaidoyer, nous avons aujourd’hui réussi parce que finalement, on est allé vers la suppression de ce quota dit sécuritaire. Et pour le deuxième, nous avons pu avoir la lettre circulaire qui n’était pas toujours respectée. Avec cette dernière mesure, qui constitue pour nous un avertissement, ce sera un autre pas de franchi.
Et la suppression du corps des vacataires. Où est-ce que vous en êtes, par rapport à ce combat ?
Ça, c’était surtout avec le projet des volontaires et le premier résultat qu’on a eu, c’est que ce projet n’existe plus. C’est un excellent résultat. Il a été remplacé par la Direction de la formation et de la communication, ce qui constitue pour nous, un pas. Néanmoins, il faudrait que l’on réfléchisse sur ce qu’on appellerait une certaine cohérence institutionnelle, qui fasse que la Drh devrait pouvoir prendre en charge la question de la formation. Mais il faut dire qu’au niveau des vacataires, c’est-à-dire le moyen-secondaire, le problème demeure, car la question du recrutement est toujours posée. La présentation du dossier pose toujours problème. Il faudrait effectivement que sur ce plan, des efforts soient faits. Il faut continuer à travailler à ce que la durée de la formation soit conséquente. Nous avions obtenu de la dernière revue que la durée de la formation allait être de 9 mois, mais nous constatons que jusque-là, ce n’est pas encore une réalité. De ce point de vue, la question de la formation des volontaires est aussi une question majeure de la COSYDEP.
Sur votre tableau de chasse, il y avait aussi le problème de la prolifération des abris provisoires, maintenant visibles à Dakar….
Vous savez, nous nous sommes dit qu’il faut aller vers une éducation pour tous. Mais, les dernières rencontres qu’on a eues au niveau de la société civile nous ont amenés à intégrer le concept qualité. On dit éducation de qualité pour tous ; et pour faire de la qualité, l’environnement scolaire est important. On ne peut pas faire de la qualité avec des écoles qui soient en abris provisoires et puis des abris éternellement provisoires. Cela pose problème, car un abri provisoire est pour un temps donné. Nous savons qu’il y a aujourd’hui des écoles qui sont à la merci du vent et des autres calamités. L’autre conséquence que nous avons vécue, car nous recevons des rapports de nos antennes régionales, c’est qu’il y a beaucoup d’abris provisoires qui sont installés dans des champs. Autrement dit, ce sont des abris qui ne peuvent être aménagés qu’au mois de décembre ou janvier après la période d’hivernage. Le temps d’apprentissage des enfants qui sont dans les abris provisoires se voit encore grevé. Cela pose problème en termes de quantum horaire, ils apprennent moins. En plus, cela constitue un risque ! Combien de fois avons-nous lu dans la presse que des serpents sont entrés dans des abris provisoires ? Des risques qui font qu’en plus de ne pas être dans un environnement qui puisse garantir la qualité, l’enfant est menacé. Donc la question des abris provisoires est une question majeure si nous voulons aller au-delà d’une simple approche quantitative. Si nous avons un souci qualitatif, il faudrait que les enfants puissent être dans un environnement scolaire propice.
Récemment, des syndicalistes ont protesté contre le retard dans le paiement des salaires de certains corps enseignants. Ne pensez-vous pas que ces menaces risquent de perturber l’année scolaire ?
Nous avions dit depuis l’année dernière, que la problématique des salaires est une question fondamentale que devrait régler définitivement l’Etat. Si nous voulons avoir des enseignants qui aient l’esprit dans les classes, il faut que cette question soit définitivement résolue. Nous pensons que la question des salaires n’est pas négociable. Si tu veux avoir un interlocuteur qui t’écoute, il faut régler la question du paiement des salaires. De ce point de vue, il n’y a pas d’argument qui tienne. Les travailleurs de manière générale doivent être payés et à temps. On ne peut pas imaginer un enseignant, volontaire de surcroît, avec une rémunération modeste qui doit faire face à des exigences et qui n’ait pas l’intégralité de son salaire. C’est donc une question à régler définitivement. Et comment la régler ? Nous n’avons cessé de dire que l’éducation est un système et chacun a un rôle particulier à jouer. Et ces rôles sont complémentaires. Ils ne sont pas obligés de maîtriser tout cet itinéraire et ces explications techniques sur des considérations financières en termes de masse salariale. A chacun de jouer son rôle. Ce qui est exigé de l’enseignant, c’est qu’il soit présent dans les salles de classe, et qu’il enseigne aux enfants. Ce qui est exigé des autres, c’est qu’ils mettent à la disposition des enseignants leur salaire. Il faut régler ces questions si nous voulons avoir un climat apaisé. Autrement, les enseignants vont tout le temps être dans la rue et le temps d’apprentissage va se grever, et ils auront raison.
Certaines de vos préoccupations ont été plus ou moins satisfaites, mais pour les autres, comment la COSYDEP évalue leur progression ?
Il faut dire que la COSYDEP est une coalition de la société civile, donc organisation supposée faire de la veille et de l’alerte. Ce qui nous intéresse, c’est d’identifier les défis et enjeux. Chaque fois que nous trouvons satisfaction à un objectif de campagne, il y a d’autres qui s’imposent. De sorte que la réflexion aujourd’hui au niveau de la structure, c’est de voir les exclus du système éducatif et qui ne bénéficient d’aucune offre éducative. Nous nous sommes rendu compte qu’il y en a certains que nous pouvons appeler exclus qui, simplement parce qu’ils ont un handicap, ne fréquentent pas l’école ; ou quand ils y accèdent, ils quittent très tôt. Il faut que l’environnement scolaire soit beaucoup plus convivial et qu’il permette aux élèves de pouvoir accéder à l’école, qu’ils soient handicapés ou valides. Nous pensons aussi qu’il y a d’autres types de handicap ; ceux-là concernent ceux qui sont dans l’extrême pauvreté. Ce qui nous avait valu cet objectif lié à la suppression des frais scolaires de manière générale. Quand nous parlons des exclus, nous faisons aussi allusion à la formation des enseignants. Nous pensons qu’aujourd’hui, le référentiel de la formation des enseignants devrait prendre en compte cette dimension inclusive.
La question de Touba nous intéresse, parce que Touba est une grande agglomération. Il est important que l’on puisse trouver une réponse à cela. On ne peut pas concevoir qu’il y ait des milliers d’enfants dans cette zone qui ne bénéficient d’aucune offre éducative. Ils ne sont pas réfractaires à l’éducation, mais ils ne veulent pas de cette offre-ci. Donc, il faut l’analyser et trouver l’offre qui réponde aux besoins de cette communauté. Il est important que tous ces enfants puissent être pris en charge. Enfin, quand on parle d’exclus, nous pensons à ces déscolarisés prématurés. Ceux qui quittent l’école très tôt.
Le taux de redoublement au Sé¬négal est énorme : 14% ; de même que le taux d’abandon. Nous pensons qu’il faut aujourd’hui aller dans le sens de garantir cette éducation au moins pour 10 ans, ce qui permet à l’enfant d’avoir le minimum basic qui lui permette d’aller vers n’importe quel corps de métier. Donc, oui pour l’éducation inclusive si nous voulons être au rendez-vous de 2015, oui aux réponses appropriées aux situations d’urgence, oui également pour une diversification de l’offre éducative.
alyfall@lequotidien.sn
Des mesures de représailles ont été prises par le ministre Kalidou Diallo à l’endroit de certains directeurs. Comment vous appréciez, en tant que défenseur de l’école, cette décision du ministre ?
Il y a deux niveaux d’appréciation par rapport à ces mesures. D’abord, c’est le fruit d’un long plaidoyer que nous avons entamé depuis 2007, qui est la question de la gratuité de l’école. Nous y croyons. Nous pensons que si nous voulons être au rendez-vous de 2015 dans 3 ans, il est important que l’école publique soit gratuite. Qu’il n’y ait pas de frais d’inscription qui puissent conditionner l’accès ou le maintien d’un élève à l’école, c’est important. Il faut savoir aujourd’hui que l’école est un facteur d’ascension sociale. Beaucoup de familles comptent sur elle pour changer de statut social ; et il y a des familles modestes pour ne pas dire pauvres qui ne pourront jamais bénéficier d’une offre éducative de qualité tant qu’elle sera liée à de quelconques frais. Voilà pourquoi, depuis 2007, dans le cadre d’une étude que nous avions menée en même temps que nos camarades de l’Ouganda, du Malawi et de la Tanzanie, nous avions demandé l’arrêt de la privatisation de l’école, car on tendait de plus en plus vers cela. Ce qui faisait qu’il y avait en plus des frais d’inscription, d’autres frais opportunistes.
Si nous raisonnons par rapport à cette dimension, nous ne pouvons que saluer toute mesure qui va dans le sens de rappeler la gratuité de l’école publique. La gratuité mais aussi l’obligation de l’école, parce qu’il faut le dire, l’Omd 2 précise dans son Ob¬jectif 1 de l’Education pour tous (Ept), que l’enseignement primaire doit être obligatoire et gratuit. Nous avions constaté l’année passée, qu’il y avait des établissements scolaires qui demandaient des frais d’inscription allant parfois jusqu’à 35 000 francs. C’est énorme et nous l’avions dénoncé. C’est d’ailleurs ce qui avait valu la tenue du séminaire de Saly qui a eu comme résultat cette fameuse lettre circulaire qui a fait le rappel de la gratuité. Nous avons cette année aussi rappelé, suite à la saisine de nos antennes régionales, qu’il y avait des établissements publics qui demandaient entre 4 000 et 7000 francs de frais d’inscription, ce qui est inconcevable. De ce point de vue, il faudrait qu’on puisse redonner une certaine place à l’école publique. Voilà ce qui fait que nous saluons cette décision.
Maintenant, il faut dire que la gratuité ne doit pas être seulement un discours, ni un simple décret, il y a des mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, ce qui fait que les directeurs sont obligés de faire appel à ces frais d’inscription, c’est parce qu’il leur faut prendre en charge l’eau, l’électricité, le gardiennage et beaucoup d’autres frais. Donc la sanction doit servir d’avertissement pour les directeurs et permettre à l’administration scolaire de pouvoir doter des ressources aux écoles. Il faut que l’Etat donne les ressources nécessaires aux écoles de sorte qu’elles n’aient pas besoin de demander encore de l’argent aux enfants. Il faut que les collectivités locales jouent véritablement leur rôle. Il faudrait que les écoles puissent disposer de leurs ressources qui leur permettent de pouvoir s’autogérer. Autrement, comme tout administrateur, les directeurs seront obligés de trouver des solutions et parmi elles, ils peuvent être appelés à demander des frais d’inscription qui ne seront pas à la portée de tous les enfants.
Toujours à propos de ces mesures, il y a le cas d’une enseignante à Bambey….
(Il coupe). Ce qui s’est passé à Bambey, c’est tout à fait autre chose. L’éducation ne doit pas être prise en otage par les politiciens au moment où le système éducatif est confronté à des défis et enjeux majeurs. L’éducation, c’est du sérieux. Il faudrait donc que certaines considérations politiciennes ne puissent pas s’immiscer dans la gestion de l’école. De ce point de vue, nous ne pouvons que le dénoncer. Il ne faudrait pas que des préoccupations politiciennes puissent impacter sur la gestion et le fonctionnement de nos écoles. Il est important que les gens puissent se le dire, si nous voulons avoir une éducation de qualité qui mette l’apprenant au centre des préoccupations.
Vous avez évoqué une étude réalisée au Sénégal et dans d’autres pays africains. Est-ce que les résultats ont montré une relation entre l’accès difficile de certains enfants à l’école et les inscriptions élevées imposées aux parents ?
Oui ! Comme je l’ai dit, c’est une étude menée depuis 2007 qui avait comme objectif, l’amélioration des résultats scolaires dans ces quatre pays. Et nous avions dit, comme hypothèse, que si nous avons des enseignants bien formés et des parents mieux impliqués, on va avoir de la qualité. Nous sommes partis de cette hypothèse dans l’étude. Il y a eu deux résultats forts suite à cette étude. Le premier, c’est qu’il y avait trop de frais opportunistes ; et c’est là où on a dépassé la notion de frais d’inscription. On s’était rendu compte qu’au-delà des frais d’inscription, il y avait beaucoup d’autres frais liés à l’achat ou à la réparation de matériel. Ce qui faisait qu’il y avait beaucoup de frais attendus de l’enfant, et ceci obligeait le parent à procéder à ce qu’on appelle une discrimination. Nous nous sommes rendu compte que dans certains villages à Tam¬ba¬coun¬da, il y avait des parents qui étaient obligés de procéder par discrimination. Entre donner 150 francs à l’école et prendre cette somme pour acheter du pain, ils choisissaient d’acheter du pain. Et quand on parle de discrimination, ce sont les filles qui deviennent perdantes, car il faut les sortir de l’école, au profit des garçons. L’autre résultat fort de cette étude, c’est les fameux quotas sécuritaires. On a eu aussi un résultat important parce qu’on s’était rendu compte que pour faire de la qualité, il fallait miser sur l’enseignant. Un enseignant de qualité ne relève pas de l’invention, c’est quelqu’un qu’il faut former en ce sens, car on ne nait pas enseignant. Donc s’il n’est pas bien formé et bien motivé, on ne pourra pas garantir la qualité dans l’éducation. Voilà les deux résultats majeurs qui sont sortis de cette étude.
Pour le quota sécuritaire, nous avions constaté qu’après une longue campagne de plaidoyer, nous avons aujourd’hui réussi parce que finalement, on est allé vers la suppression de ce quota dit sécuritaire. Et pour le deuxième, nous avons pu avoir la lettre circulaire qui n’était pas toujours respectée. Avec cette dernière mesure, qui constitue pour nous un avertissement, ce sera un autre pas de franchi.
Et la suppression du corps des vacataires. Où est-ce que vous en êtes, par rapport à ce combat ?
Ça, c’était surtout avec le projet des volontaires et le premier résultat qu’on a eu, c’est que ce projet n’existe plus. C’est un excellent résultat. Il a été remplacé par la Direction de la formation et de la communication, ce qui constitue pour nous, un pas. Néanmoins, il faudrait que l’on réfléchisse sur ce qu’on appellerait une certaine cohérence institutionnelle, qui fasse que la Drh devrait pouvoir prendre en charge la question de la formation. Mais il faut dire qu’au niveau des vacataires, c’est-à-dire le moyen-secondaire, le problème demeure, car la question du recrutement est toujours posée. La présentation du dossier pose toujours problème. Il faudrait effectivement que sur ce plan, des efforts soient faits. Il faut continuer à travailler à ce que la durée de la formation soit conséquente. Nous avions obtenu de la dernière revue que la durée de la formation allait être de 9 mois, mais nous constatons que jusque-là, ce n’est pas encore une réalité. De ce point de vue, la question de la formation des volontaires est aussi une question majeure de la COSYDEP.
Sur votre tableau de chasse, il y avait aussi le problème de la prolifération des abris provisoires, maintenant visibles à Dakar….
Vous savez, nous nous sommes dit qu’il faut aller vers une éducation pour tous. Mais, les dernières rencontres qu’on a eues au niveau de la société civile nous ont amenés à intégrer le concept qualité. On dit éducation de qualité pour tous ; et pour faire de la qualité, l’environnement scolaire est important. On ne peut pas faire de la qualité avec des écoles qui soient en abris provisoires et puis des abris éternellement provisoires. Cela pose problème, car un abri provisoire est pour un temps donné. Nous savons qu’il y a aujourd’hui des écoles qui sont à la merci du vent et des autres calamités. L’autre conséquence que nous avons vécue, car nous recevons des rapports de nos antennes régionales, c’est qu’il y a beaucoup d’abris provisoires qui sont installés dans des champs. Autrement dit, ce sont des abris qui ne peuvent être aménagés qu’au mois de décembre ou janvier après la période d’hivernage. Le temps d’apprentissage des enfants qui sont dans les abris provisoires se voit encore grevé. Cela pose problème en termes de quantum horaire, ils apprennent moins. En plus, cela constitue un risque ! Combien de fois avons-nous lu dans la presse que des serpents sont entrés dans des abris provisoires ? Des risques qui font qu’en plus de ne pas être dans un environnement qui puisse garantir la qualité, l’enfant est menacé. Donc la question des abris provisoires est une question majeure si nous voulons aller au-delà d’une simple approche quantitative. Si nous avons un souci qualitatif, il faudrait que les enfants puissent être dans un environnement scolaire propice.
Récemment, des syndicalistes ont protesté contre le retard dans le paiement des salaires de certains corps enseignants. Ne pensez-vous pas que ces menaces risquent de perturber l’année scolaire ?
Nous avions dit depuis l’année dernière, que la problématique des salaires est une question fondamentale que devrait régler définitivement l’Etat. Si nous voulons avoir des enseignants qui aient l’esprit dans les classes, il faut que cette question soit définitivement résolue. Nous pensons que la question des salaires n’est pas négociable. Si tu veux avoir un interlocuteur qui t’écoute, il faut régler la question du paiement des salaires. De ce point de vue, il n’y a pas d’argument qui tienne. Les travailleurs de manière générale doivent être payés et à temps. On ne peut pas imaginer un enseignant, volontaire de surcroît, avec une rémunération modeste qui doit faire face à des exigences et qui n’ait pas l’intégralité de son salaire. C’est donc une question à régler définitivement. Et comment la régler ? Nous n’avons cessé de dire que l’éducation est un système et chacun a un rôle particulier à jouer. Et ces rôles sont complémentaires. Ils ne sont pas obligés de maîtriser tout cet itinéraire et ces explications techniques sur des considérations financières en termes de masse salariale. A chacun de jouer son rôle. Ce qui est exigé de l’enseignant, c’est qu’il soit présent dans les salles de classe, et qu’il enseigne aux enfants. Ce qui est exigé des autres, c’est qu’ils mettent à la disposition des enseignants leur salaire. Il faut régler ces questions si nous voulons avoir un climat apaisé. Autrement, les enseignants vont tout le temps être dans la rue et le temps d’apprentissage va se grever, et ils auront raison.
Certaines de vos préoccupations ont été plus ou moins satisfaites, mais pour les autres, comment la COSYDEP évalue leur progression ?
Il faut dire que la COSYDEP est une coalition de la société civile, donc organisation supposée faire de la veille et de l’alerte. Ce qui nous intéresse, c’est d’identifier les défis et enjeux. Chaque fois que nous trouvons satisfaction à un objectif de campagne, il y a d’autres qui s’imposent. De sorte que la réflexion aujourd’hui au niveau de la structure, c’est de voir les exclus du système éducatif et qui ne bénéficient d’aucune offre éducative. Nous nous sommes rendu compte qu’il y en a certains que nous pouvons appeler exclus qui, simplement parce qu’ils ont un handicap, ne fréquentent pas l’école ; ou quand ils y accèdent, ils quittent très tôt. Il faut que l’environnement scolaire soit beaucoup plus convivial et qu’il permette aux élèves de pouvoir accéder à l’école, qu’ils soient handicapés ou valides. Nous pensons aussi qu’il y a d’autres types de handicap ; ceux-là concernent ceux qui sont dans l’extrême pauvreté. Ce qui nous avait valu cet objectif lié à la suppression des frais scolaires de manière générale. Quand nous parlons des exclus, nous faisons aussi allusion à la formation des enseignants. Nous pensons qu’aujourd’hui, le référentiel de la formation des enseignants devrait prendre en compte cette dimension inclusive.
La question de Touba nous intéresse, parce que Touba est une grande agglomération. Il est important que l’on puisse trouver une réponse à cela. On ne peut pas concevoir qu’il y ait des milliers d’enfants dans cette zone qui ne bénéficient d’aucune offre éducative. Ils ne sont pas réfractaires à l’éducation, mais ils ne veulent pas de cette offre-ci. Donc, il faut l’analyser et trouver l’offre qui réponde aux besoins de cette communauté. Il est important que tous ces enfants puissent être pris en charge. Enfin, quand on parle d’exclus, nous pensons à ces déscolarisés prématurés. Ceux qui quittent l’école très tôt.
Le taux de redoublement au Sé¬négal est énorme : 14% ; de même que le taux d’abandon. Nous pensons qu’il faut aujourd’hui aller dans le sens de garantir cette éducation au moins pour 10 ans, ce qui permet à l’enfant d’avoir le minimum basic qui lui permette d’aller vers n’importe quel corps de métier. Donc, oui pour l’éducation inclusive si nous voulons être au rendez-vous de 2015, oui aux réponses appropriées aux situations d’urgence, oui également pour une diversification de l’offre éducative.
alyfall@lequotidien.sn