L’inculpé déclare : je ne reconnais pas les faits qui me sont reprochés.
Je suis journaliste de formation et conseiller en communication. Je suis également dans l’enseignement et l’écriture plus précisément. Je finalise en ce moment mon doctorat en sciences politiques à l’UCAD, sous la direction du professeur Ismaïla Madior Fall qui était mon directeur lors de mon DEA.
Accessoirement, je dispense des cours de communication et de marketing. Pour ce qui est de mon parcours professionnel, je totalise une quinzaine d’années d’expérience dans les médias et dans la communication politique et institutionnelle. J’ai travaillé dans les quotidiens comme le Soleil où j’ai été chef du desk politique, le Matin, le Cafard Libéré entre autres. De 2002 à 2004, je suis allé en France à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris où j’ai obtenu une maîtrise en journalisme/option télévision. A mon retour en 2004, j’ai été coopté à l’ANOCI en qualité de chargé de communication où je suis resté jusqu’en 2009. Parallèlement à cela, en 2007, j’ai été chargé de relation presse du candidat Abdoulaye Wade sous la tutelle de son directeur de campagne M. Macky Sall.
Quant à mes fonctions, jusqu’à ma date de garde à vue, j’étais DG de la société CD MEDIA Group SA, éditrice du journal LE PAYS AU QUOTIDIEN et du portail d’information www.lesenegalais.net. Je précise que j’ai été, en tant qu’employé-salarié, actionnaire à 30%, des actions qui m’ont été octroyées par mon employeur Karim Meïssa Wade. En juillet 2013, je devais être à LA HAYE à la Division Communication de la Cour Pénale Internationale pour un stage pré-embauche.
SIR : la société dont je suis le directeur général s’appelle bien CD MEDIA GROUP SA qui est la propriété de Karim Meïssa Wade qui payait lui-même les salaires. Par ailleurs, je précise que c’est lui-même qui m’a octroyé les 30% de parts, les 70% revenant à Patrick WILLIAM. A propos des 70% des parts, Karim Meïssa Wade m’a lui-même dit que c’est lui-même qui les a octroyées à Patrick WILLIAM. Ce dernier n’a jamais participé à aucune activité de la société et je ne l’ai rencontré qu’une seule fois le 01er novembre 2007, date d’anniversaire de mon fils, dans le bureau de Madior Sylla au niveau des locaux de l’ANOCI. Il est probable qu’on se soit croisé dans les couloirs de l’ANOCI, mais la dernière fois que je l’ai vu, c’était lors de l’enquête préliminaire dans les locaux de la gendarmerie. Ce sont toutes ces raisons qui me font dire que Karim Meïssa Wade est le propriétaire de CD MEDIA GROUPE SA.
SIR : En mon sens, Patrick William n’était qu’un prête-nom pour Karim Meïssa Wade. Il en est de même de mes 30% qui n’étaient pas rémunérés par des dividendes. En fait, c’est Karim Meïssa Wade qui me payait 1.000.000 de francs CFA au même titre que le PCA, Mamadou Diop, qu’il a lui-même nommé après avoir recueilli mon avis.
SIR : C’est Victor Tendeng qui par chèque a, à mon insu, libéré entre les mains de la notaire, Patricia Lake Diop, la somme de 3.000.000 de francs CFA correspondant à mes 30% de part. c’est seulement lors de mon audition, à la Section de Recherches, que j’en ai été informé lorsque la copie du chèque m’a été présentée.
SIR : je suppose que c’est Karim Meïssa Wade qui a payé le montant de ladite somme puisque Victor Tendeng, qui a remis le chèque à la notaire, était son chauffeur.
Q : Pouvez-vous nous dire l’étendue de votre patrimoine au Sénégal et à l’étranger ?
R : j’ai une maison de 160 m2 à la Sicap Foire que j’ai obtenue par un prêt bancaire d’une trentaine de millions de francs CFA de la BHS. J’ai une voiture PAJERO. J’ai un compte bancaire à la SGBS, hormis mon compte à la BHS où il ne reste que 500.000 francs CFA. J’ai aussi un compte pour une société qui s’appelle STRATEGIA. Et, je suis bénéficiaire de deux terrains nus de 150 m2 chacun, dans la zone de l’aéroport, qui m’ont été attribués par voie de bail.
Q : Comment votre prêt contracté à la BHS a-t-il été remboursé ?
R : par plusieurs moyens : la vente de mes livres, mes activités de consultance, mes revenus de salaires et l’appui décisif de mon épouse. Je précise que je payais à la banque la somme de 300.000 francs CFA qui correspondait aux mensualités qu’elle avait fixées à la portion cessible de mon salaire.
SIR : la vente de mon livre m’a apporté entre 15.000.000 et 20.000.000 de francs CFA.
Q : Connaissez-vous les nommés Karim Meïssa Wade, Ibrahim Aboukhalil, Karim Aboukhalil, Pape Mamadou Pouye, Pierre Goudjo Agbogba, Victor Kantoussan, Victor Tendeng, Patrick William ? Si oui, dans quelles circonstances ?
R : je n’ai jamais connu Karim Aboukhalil, Pape Mamadou Pouye et Pierre Goudjo Agbogba. Je n’ai jamais vu le premier nommé et quant aux deux autres, je ne les ai vus pour la première fois qu’à la gendarmerie lors de l’enquête préliminaire. En ce qui concerne Victor Tendeng et Victor Kantoussan, je les connais très bien pour avoir travaillé tous les trois pour Karim Meïssa Wade. Pour ce qui concerne Patrick William, je m’en rapporte à ce que j’ai dit plus haut sur les circonstances de notre rencontre. S’agissant de Ibrahim Aboukhalil, je l’ai rencontré deux ou trois fois de façon informelle à l’occasion d’un déjeuner dans un restaurant. En plus, sur recommandation de Karim Wade, je suis allé le rencontrer une fois à son domicile pour qu’il achète des exemplaires du livre édité par la maison d’édition HACHETTE intitulé «Si près, si loin avec Wade».
SIR : Avant les présidentielles de 2000, en 1998, j’étais détaché au Point E et au siège du PDS à Colobane. J’étais journaliste au quotidien le Matin et ensuite au Cafard Libéré, pour couvrir les activités du PDS. C’est au fil de ces couvertures que j’ai fait la connaissance de Karim Meïssa Wade, mais c’est surtout à la veille de la présidentielle que nos relations se sont renforcées. J’étais parmi les plus jeunes reporters et j’avais des relations affectueuses avec Abdoulaye Wade et Karim voulait savoir les rasions de cette proximité. Etant de la même génération, on s’appelait régulièrement dans le cadre de la campagne. Après la victoire du PDS, je me suis retrouvé au quotidien Le Soleil et je m’en suis ouvert à lui pour aller poursuivre mes études en France. En 2004, lorsqu’il a été nommé à l’ANOCI, il m’a fait revenir.
A partir de 2009, il y a eu entre nous une tension amicale, une prise de distance jusqu’en 2011, parce que je considérais que son entrée dans le gouvernement était une erreur manifeste d’appréciation politique. Un semestre avant la présidentielle de 2012, nous nous sommes retrouvés pour préparer la campagne électorale, d’où le projet de création de CD MEDIA GROUP SA.
Q : Pouvez-vous nous édifier sur le processus de constitution des sociétés CD MEDIA GROUP, SENEGAL DISTRIBUTION PRESS, CITYCOM SA, IDP SA, LES EDITIONS DU PAYS, leur fonctionnement et le pourcentage des actions ?
R : un semestre avant la présidentielle de 2012, Karim Wade et moi avons tenu une réunion dans son cabinet ministériel, sis à l’immeuble Tamaro, en présence de Me Patricia Lake Diop, notaire, une séance de travail relative à la constitution de CD MEDIA GROUP SA. Cette réunion sera suivie d’une autre quelques semaines plus tard, toujours en présence de Me Patricia Lake Diop. Il s’agissait pour Karim Wade de mieux finaliser le processus de constitution de CD MEDIA GROUP SA avec ses différentes filiales. L’ambition de départ était de fonder un groupe de presse constitué : d’un journal, d’un site d’informations, d’une radio, d’une télévision, d’une imprimerie et d’une société de distribution du journal Le Pays. A l’arrivée, deux produits étaient fonctionnels et opérationnels : Le Pays au Quotidien et lesenegalais.net. Ces deux supports médiatiques ont été fermés 72 heures après mon arrestation. Connaissant à fond la fiabilité de mon désintéressement et le fétichisme de mon amitié, il m’a proposé un salaire de 1.000.000 francs CFA et 20% des actions de CD MEDIA GROUP SA et après réflexion, il est monté jusqu’à 30%. C’est à cette occasion qu’il ma précisé que les 70% étaient attribués à Patrick William.
Il a requis mon avis sur la nomination de Mamadou Diop, ancien DG du groupe Futurs Média, avec le même salaire que moi en précisant qu’il s’occupera d’administration et de finances et moi de la ligne éditoriale. J’ai accepté tout cela à condition de ne pas être dans la quotidienneté d’une rédaction, ce qui pourrait influer sur les activités de consultance. Je lui ai ainsi proposé la nomination respectivement du directeur de publication du journal et du site, Serigne Saliou Samb et Mouth Bane. Serigne Saliou Samb avait 600.000 francs CFA de salaire et Ban 500.000 francs CFA. C’est eux qui ont trouvé les locaux. Après on a pu regrouper dans un même local le journal et le site. Tous les immeubles que le groupe de presse a occupés étaient en location.
SIR : Au début, c’est Karim Meïssa Wade qui payait les salaires, le loyer, l’intendance et les frais d’imprimerie. Par la suite, ayant un peu de publicité, il payait exclusivement les salaires, les frais d’impression et les frais de téléphone.
SIR : je précise que pour les dépenses, Karim Meïssa Wade avait décidé qu’il y aurait deux signatures, la mienne et celle de Mamadou Diop.
SIR : s’agissant de CITYCOM SA, IDP SA, LES EDITIONS DU PAYS, je connais bien leur existence, mais je ne sais rien de leur fonctionnement. Pour ce que j’en sais, Karim Meïssa Wade s’est lui-même obligé, stylo à la main, d’expliquer à Me Patricia Lake Diop et à moi-même les processus et les montages des sociétés citées. J’ai reçu le 14 mars 2012, par le biais de la comptable de CD MEDIA GROUP, Soukey Sy, une expédition de l’acte constitutif de CD MEDIA GROUP SA. En avril 2012, j’ai reçu une expédition relative à CITYCOM et IDP. En général, Me Patricia Lake me présentait les actes notariés et je les signais dans mon cabinet. Puisque Karim est le propriétaire exclusif et l’unique sponsor de ces sociétés, c’est lui qui connaissait la constitution, le fonctionnement et la structure de l’actionnariat. Tout ce que je sais, c’est qu’il m’a octroyé 30% de CD MEDIA GROUP.
SIR : En plus de ces sociétés, il était prévu la création d’une société www.webdupays.net où Karim Wade disait que je serai l’actionnaire unique.
SIR : Cette société n’a pas finalement vu le jour tout comme les autres sociétés, hormis CD MEDIA GROUP.
Q : Quels étaient les dirigeants de ces sociétés ?
R : les dirigeants de ces sociétés n’étaient personne d’autre que Karim Meïssa Wade qui expliquait, stylo en main, la géographie du capital des sociétés en présence de Me Patricia Lake Diop. Je précise que pour la création de ces sociétés, il m’a appelé à deux reprises en présence de Me Patricia Lake Diop.
Q : Kairm Meïssa Wade intervenait-il dans le fonctionnement de ces sociétés ?
R : il intervenait, comme je l’ai précisé plus haut, soit dans le journal, soit dans le site au moment de passer des informations qui intéressent le PDS pour une plus grande visibilité. Pour le reste, il n’intervenait pas et il n’y avait pas de réunion du Conseil d’administration.
Q : Pouvez-vous nous édifier sur le mode d’acquisition du matériel nécessaire au fonctionnement de ces sociétés ?
R : je ne peux rien dire sur le mode d’acquisition du matériel de CD MEDIA GROUP, étant entendu que pour les autres sociétés, il n’y a pas de matériel. Pour ce qui concerne le matériel de CD MEDIA GROUP, je peux énumérer les éléments qui le constituent, mais je ne peux pas dire comment Karim l’a acquis. Il s’agissait d’ordinateurs, d’imprimantes, de mobilier de bureau, de groupe électrogène et cinq véhicules 4X4 Pick Up et un véhicule Ford. Karim Wade m’a également informé avoir commandé un matériel de radio haute technologie que je n’avais pas vu. Lorsque le matériel est arrivé à Dakar, Karim m’a donné le numéro d’un certain M. Amar, consultant chargé de piloter le projet de radio. J’ai rencontré ce dernier deux ou trois fois, dont une avec le PCA, Mamadou Diop. Je suis incapable de vous dire à quoi ressemble ce matériel, ni son origine, encore moins son coût.
Q : Saviez-vous quels étaient les véritables bénéficiaires économiques de ces sociétés ?
R : Si par extraordinaire il pouvait y avoir de bénéfices, Karim Meïssa Wade en serait le bénéficiaire. Je précise que la société était déficitaire et devait deux ou trois mois d’arriérés de loyer et trois mois d’arriérés de frais d’impression. C’était visiblement plus un centre de coût qu’un centre de profit. Les coûts étaient supportés par Karim.
Q : Avez-vous connaissance de biens mobiliers ou immobiliers appartenant à Karim Meïssa Wade au Sénégal ou à l’étranger ?
R : je suis incapable de vous le dire.
Q : Confirmez-vous que c’est Victor Tendeng qui vous a appelé pour vous dire, sur instruction supposée de Karim Wade, d’aller signer chez Patricia Lake Diop les documents constructifs de la société CD MEDIA GROUP SA ?
R : Je ne me rappelle plus, compte-tenu de l’ancienneté des faits. Je ne sais plus si c’est son secrétariat qui m’a appelé ou si c’est Victor Tendeng.
SIR : je confirme bel et bien que c’est Victor Kantoussan qui a livré les Pick up appartenant à CD MEDIA GROUP, même si je n’étais pas présent sur les lieux. D’ailleurs, à cette occasion, il m’a appelé au téléphone pour solliciter que deux de ses connaissances soient employées comme chauffeurs. J’ai fait droit à sa demande et c’est Karim qui payait les salaires comme pour tous les autres employés.
Mention : Me Moustapha Diop, conseil de l’inculpé, est arrivé à 12H15 minutes à notre siège et assiste à l’audition de son client.
SI de Me Borso Pouye/Réponse : je n’ai jamais bénéficié d’un véhicule de fonction en ma qualité de DG de CD MEDIA GROUP. De même, hormis le salaire de 1 million de francs CFA qu’il me payait, Karim Wade ne m’a jamais remis d’argent ni en mains propres ni par virement d’argent dans mon compte.
SI. De Me Borso Pouye/Réponse : je ne sais même pas où a été entreposé le matériel de radio que je n’ai, du reste, jamais vu.
Plus n’a été interrogé à 12 heures et 22 minutes, lecture faite, persiste et signe avec Nous et le Greffier.