Candidature de Benno : trois obstacles à lever (Ibrahima Séne)


Après le non respect du délai du 31 Octobre, Benno semble plus que jamais sous le risque d’implosion que ses adversaires de dedans comme du dehors attendent impatiemment.

Heureusement, Benno regorge de suffisamment de forces lucides qui ne donneront pas ce plaisir à ces détracteurs.

Pour cela, il est nécessaire de lever trois obstacles qui le plombent encore pour baliser le chemin du choix du candidat.

Ce sont :

- le critère du « parti le plus représentatif » ;

- le traitement de la « feuille de route » de Benno ;

- l’obsession encore tenace de la « Présidence ».

1) Le critère du « parti le plus représentatif »

Ce critère, agité par des cadres du PS pour désigner le candidat de Benno, soulève trois objections qui devraient les faire revenir à plus de circonspection.

En effet, dans les critères de Benno du 17 Septembre, ce principe n’est annoncé ni pour constituer l’ « équipe », ni pour le choix du « candidat ».

C’est ainsi que pour le choix de l’ « équipe », le 5ème critère stipule « qu’elle doit être dirigée par les principales forces de Benno ayant un poids politique et électoral ».

De même, pour le choix du « candidat de l’unité et du rassemblement », le 10ème critère dispose qu’il « doit être issu des partis et des organisations les plus représentatives de Benno, ou être porté par les forces les plus représentatives sans exclusive ».

D’ailleurs, si pour le choix de l’ « équipe », le « poids électoral » est explicitement mentionné, il ne l’a été nulle part, dans les critères de choix du « candidat ».

Pourquoi donc en faire un « casus bellis », et un prétexte d’implosion de Benno ?

Pourtant, le PS a eu l’intelligence de recourir aux critères de Benno pour organiser ses « primaires » de désignation de leur candidat à la candidature.

Mais, s’il avait eu recours au principe du « plus représentatif » pour les organiser, il n’est pas évident que de grosses pointures de ce Parti n’iraient pas briguer, comme en France, le suffrage des militants.

Mais le PS a évité ce spectacle lourd de conséquences pour son unité et sa cohésion.

Des cadres de ce Parti, acquis au principe du « parti le plus représentatif », peuvent légitimement en vouloir à leurs mandataires au Séminaire du 17 Septembre pour n’avoir pas pu faire prévaloir ce principe dans les critères, mais leur parti, en temps que signataire du consensus sur les critères, devrait se garder de les suivre.

Ce serait incompréhensif de la part de ce Parti, qui a refusé de recourir à ce principe pour occuper le « poste de Chef de l’opposition » avec tous les honneurs et les avantages qui lui sont liés, et qui, lors des élections locales de 2009, ne l’a pas érigé en principe de constitution des listes électorales de Benno.

Aujourd’hui, il ne devrait en aucun cas le brandir pour se mettre ouvertement en porte à faux avec le consensus.

Mais surtout, ceux qui agitent ce principe, ne semblent pas avoir mesuré sa portée politique.

En effet, ce faisant, le PS aurait le contrôle sur la Présidence, l’Assemblée nationale et la Primature!

Ce serait alors un retour au monopole exclusif du pouvoir, que non seulement ses partenaires de Benno ne sauraient accepter, mais, ce serait aussi, en contradiction avec les conclusions des Assises nationales et, notamment, avec la « Charte pour la Bonne gouvernance ».

Le PS et son Secrétaire Général devraient donc éviter de s’enfermer dans ce piège, qui non seulement ne les grandit pas, mais risque de les isoler politiquement, en faisant d’eux une cible politique facile.

Le PS et ses dirigeants avec lesquels nous avons bravé les foudres du pouvoir depuis 2000, ne méritent pas un tel sort.

Cependant, ces obstacles auraient pu être évités, si le « Comité de facilitation » n’avait pas choisi d’inverser la démarche de Benno pour la « candidature, qui est pourtant clairement transcrite dans la Déclaration du 17 Septembre qui constitue sa « feuille de route ».

2) le traitement de la feuille de route.

A cet égard, il est utile de rappeler la démarche de Benno, qui est reprise dans la Déclaration du 17 Septembre qui porte création du « Comité de facilitation ».

En effet, dans cette Déclaration, il est stipulé que, « pour parvenir à ces résultats sur les accords ainsi scellés, le Séminaire a pris la décision de mettre en place un groupe de facilitation pour nouer les contacts, recueillir les intentions et positions des uns et des autres, en vu d’un consensus sur l’équipe et le candidat ».

Cette démarche n’a fait que rappeler, que Benno a toujours privilégié la mise en place d’une « équipe consensuelle », avant de se pencher sur la désignation du « capitaine » qui devrait l’animer. La recherche de cette « équipe » devrait être précédée par un consensus sur les « Institutions », et sur les « mesures d’urgence » à mettre en œuvre dés la victoire, en application du programme élaboré sur la base des conclusions des Assises nationales.

C’est cette démarche de Benno, qui lui a valu le départ de jëf jël qui voulait que l’on s’accorda d’abord sur le principe de la candidature unique.

Ensuite, ce fut le tour de certains partis de Benno, en alliance avec des organisations et personnalités de la société civile, de mettre en place « Benno Alternative 2012 » pour choisir le candidat avant l’ « équipe ».

Dans ce contexte, il est incompréhensible que le « Comité de facilitation » ait mis, lui aussi, l’accent sur le choix du « candidat », en négligeant l’ « équipe », renversant ainsi la démarche de Benno.

Il n’a même pas pris le soin d’explorer les possibilités d’avoir un « candidat porté par les forces les plus représentatives sans exclusive », comme une alternative aux difficultés rencontrées dans le choix d’un « candidat issu des organisations ou partis les plus représentatifs », comme le prévoit le 10ème critère pour le choix du candidat.

En agissant ainsi, il est manifeste que le « Comité de facilitation » ait subi inconsciemment, ou non, l’influence de « Benno alternative 2012 » en la matière, au point de mettre, aujourd’hui, Benno dans un « cul de sac », avec de graves risques d’implosion.

Benno était conscient depuis longtemps, que sans une « équipe consensuelle », il n’y aurait pas de « candidat » par consensus.

Cette mise au point n’est pas faite pour jeter la pierre sur le « Comité de facilitation », composé d’hommes choisis pour leur patriotisme, leur sens élevé de l’éthique, et leur engagement républicain et démocratique.

C’est juste un rappel, à tous, pour calmer les esprits, afin de sauver ce qui peut encore l’être, dans le choix des personnalités devant incarner Benno, qui est pour l’opinion, la seule et véritable alternative au régime de Wade.

Cependant, ce renversement de la démarche de Benno n’aurait certainement pas été possible, si l’obsession de la « Présidence » n’était pas encore si tenace dans la conscience de la plus part des prétendants déclarés à la mandature aux élections de 2012.

3) l’obsession de la Présidence de la République.

Il est, aujourd’hui, effarent de constater, qu’après la tenue des Assises nationales et la publication de la « Charte pour la bonne gouvernance », que l’engouement, pour être Président de la République, soulève encore autant de passions.

Cela est particulièrement vrai dans les rangs de Benno, qui a vécu le positionnement des leaders de jëf jël , de l’APR et de FSBJ, qui ont présenté leur candidature, la démarche de « Benno Alternative 2012 », qui est en procédure de sélection de son candidat, et la « bipolarisation » de Benno au tour de deux candidats à la candidature.

Cela est aussi remarqué dans la prolifération des candidats indépendants issus de la société civile, parmi les quels, le « Groupe des 4 », ou (G4), qui peine à tomber d’accord sur un candidat.

Pourtant, tout ce beau monde, à des nuances près, déclare publiquement vouloir en finir avec le « Présidentialisme », et s’engage à appliquer les conclusions des Assises nationales, ou s’en inspirer !

Depuis que Benno et « Benno Alternative 2012 », ont adopté un projet de Constitution en accord avec les Assises nationales, cette attitude est d’autant plus surprenante de leur part, puisque la réalité du pouvoir exécutif est transférée, des mains du Président de la République, aux mains d’un Premier Ministre, désigné par la majorité à l’assemblée nationale, qui désormais détermine la Politique de la Nation, et choisit ses Ministres sous l’approbation de la majorité des Députés.

Mieux, dans le chronogramme des réformes à mettre en œuvre dès la victoire, figure un référendum pour l’adoption du Projet de Constitution, dont l’organisation est retenue en juin au plus tard, soit, trois mois après la prestation de serment du nouveau Président élu !

Voilà donc un Président élu avec les pouvoirs exorbitants de Wade, dont il va se défaire au bout de trois mois!

Une question légitime se pose donc de savoir, est ce qu’une telle Présidence vaut la peine d’un tel acharnement pour la conquérir en payant même le prix fort de 65 millions ?

De deux choses l’une : ou bien l’on a affaire à des gens qui, comme Wade, acceptent tout pour accéder au pouvoir, pour faire ensuite à leur guise ? Ou bien, l’on a affaire avec des gens qui n’ont pas encore pris conscience de la contradiction entre leurs engagements publics, et leur positionnement actuel sur la « Présidence », au point de risquer de faire imploser Benno.

Dans l’un comme dans l’autre cas, il y a vraiment danger pour la réalisation des changements aux quels aspire notre peuple en 2012.

4) Conclusion

Au terme de cette analyse, il ressort que seul un sursaut au sein du « Comité de facilitation » pour renouer avec la démarche de Benno, et une attitude des leaders, plus conforme au consensus auquel ils sont parvenus, peuvent préserver les chances d’un choix judicieux d’une « équipe » et d’un « candidat de l’unité et du rassemblement ».

Le peuple nous écoute

Ibrahima Séne PIT/SENEGAL Fait à Dakar le 1er Novembre 2011
Mercredi 2 Novembre 2011