COMITE D’ORGANISATION DES JEUX OLYMPIQUES DE LA JEUNSSE /MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE/L’ETAT : FACE AUX DEFIS ( Par Adama THIAM )


Dans le journal l’Observateur N° 6344 du samedi 30 novembre et dimanche 1er décembre 2024 tout comme dans le journal RECORD N° 2071 du 30 novembre 2024, il a été rendu compte de la signature d’une convention entre le COJOJ et le Ministère de l’Education Nationale. C’est le Ministre, Monsieur Moustapha Mamba GUIRASSY dont je salue et la posture et l’action jusqu’ici, qui s’est rendu au siège du CNOSS, sis à Eden ROC, pour participer à l’événement.
Sans doute pour le CNOSS l’objectif serait –il au-delà de tout, d’attirer, d’impliquer et   de capter l’importante masse scolaire juvénile, en appoint à l’organisation des JOJ de 2026. Pour le Ministre de l’Education nationale il s’agit, je le cite : « Depuis plus de deux ans maintenant, nos services techniques travaillent avec vos équipes, dans le cadre d’une phase de co-construction de nombreux contenus de concepts et d’activités à mener dans la phase préparatoire. Dans ce même ordre d’idées, des professeurs d’EPS et des instituteurs ont reçu une formation au Programme d’éducation aux valeurs olympiques (PEVO), qu’ils vont dérouler dans les 48 écoles et collèges tests choisis dans les 16 académies du Sénégal, avant de passer à l’échelle dans plus de 13000 écoles et établissements, en 2025-2026.
Sur la question de l’organisation des JOJ 2026, je n’ai pas grand-chose à ajouter à la teneur de ma contribution sur le sujet, en date du 29 octobre 2018 intitulée : « Jeux olympiques d’été de la Jeunesse 2022 au Sénégal : entre ombres rédhibitoires et lumières pâles » même si l’évolution de la préparation de l’événement suscite de nombreuses et variées problématiques. Sauf à relayer et amplifier ici encore, la voix de tous ceux qui, dans la communauté sportive nationale, s’inquiètent, demandent et exigent l’adoption d’un programme de préparation de notre élite représentative, à la mesure de l’événement.
Pour l’heure, je suis plutôt interpellé par deux choses : d’abord certains développements fâcheux au croisement du sport international avec les phénomènes de société tels ceux liés à l’orientation sexuelle d’athlètes ou de supporters ; ensuite par le propos ci-dessus cité de Monsieur le Ministre de l’Education nationale relativement au Programme d’éducation aux valeurs olympiques qu’il compte tester avant de le passer à l’échelle, dans tous les établissements et écoles du Sénégal.
C’est Alain PEYREFFITE qui disait : « On ne peut regarder au fond de l’actualité sans regarder d’abord au fond de l’histoire ».
L’histoire que je vais convoquer est très récente. Elle met en jeu le Comité International Olympique (CIO), la communauté LGBT et le pouvoir du Président Poutine de Russie.
1-Le durcissement de la législation russe à la veille des JEUX OLYMPIQUES de SOTCHI
A la veille des JO de SOTCHI de 2014, à l’initiative d’un Député de la Douma, la Russie avait adopté le 15 juin 2013, une loi promulguée le 30 juin par le président Poutine, interdisant la propagande homosexuelle devant les mineurs, menaçant de fortes amendes et de détention les contrevenants, y compris, les étrangers coupables de cette infraction même à l’occasion des JO d’hiver de 2014. Face à cette situation, fusent des récriminations et des menaces de boycott dans une immense fronde sous la conduite des organisations LGBT. Ce durcissement législatif avait un caractère de renforcement de la césure entre la Russie ancrée dans ses valeurs traditionalistes et l’occident libéral, ouvert à tous les vents.
Le CIO interpellé, rassure après des assurances des autorités russes pour qui, les athlètes et autres peuvent bien venir à Sotchi sans problème mais s’ils sortent dans la rue pour faire la propagande homosexuelle, ils feront face à la loi. Or, il est bon de rappeler que le CIO par le principe 6 de la Charte Olympique déclare que :
 « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
On peut également rappeler qu’au terme du processus de sélection de ses nouveaux membres, le CIO les admet lors d’une cérémonie au cours de laquelle ceux-ci s’engagent à remplir leurs obligations en prêtant le serment suivant : « Honoré d’avoir été choisi en tant que membre du Comité International Olympique, j’accepte pleinement les responsabilités qui m’incombent au vu de cette fonction. Je m’engage à servir le Mouvement olympique au mieux de mes capacités. Je respecterai la Charte olympique et accepterai les décisions du CIO. J’agirai toujours indépendamment des intérêts commerciaux et politique ainsi que de toute considération raciale ou religieuse. Je me conformerai pleinement au Code d’éthique du CIO. Je m’engage à combattre toute forme de discrimination et me consacrerai en toutes circonstances à promouvoir les intérêts du Comité International Olympique et du Mouvement olympique ».
On peut également ajouter que toujours selon la Charte olympique : « Les membres du CIO représentent et soutiennent les intérêts du CIO et du Mouvement olympique dans leur pays et dans les organisations du mouvement olympique au service desquelles ils se trouvent. Les membres du CIO n’accepteront de la part de gouvernements, d’organisations ou de tiers aucun mandat et aucune instruction susceptible d’entraver leur liberté d’action et de vote ».
Tous ces éléments rappelés, pour montrer que par conséquent, le CIO était obligé de monter au front, à coté de toute la communauté homosexuelle, pour faire plier le pays organisateur. Ainsi l’on peut deviner combien le face- à face CIO/ Autorités russes, avant les JEUX d’hiver Sotchi 2014, aura été rude comme il le sera encore, avec d’autres pays organisateurs d’événements sous label olympique, dans le schéma de reproduction des mêmes cas de figure. Au moment où dans notre pays démarre une nouvelle LEGISLATURE, avec les projets agités de modification de certaines lois pénales, l’organisation des prochains JOJ, doit forcément faire réfléchir.
2-Le Programme d’éducation aux valeurs olympiques
Il est indéniable que le CIO a donné au monde les Jeux Olympiques modernes qui sont une contribution exceptionnelle à la promotion, au développement et au rayonnement du sport à l’échelle universelle ainsi qu’au renforcement des connaissances mutuelles, de la fraternité et d’une nouvelle géographie humaine et sentimentale, tracée au marqueur d’exploits d’hommes et de femmes, poussant toujours plus loin leurs capacités et leurs limites pour   combler l’humaine condition, d’émotion et d’aise. De ce point de vue, l’organisation récente des JO de Paris 2024 a fini de donner au monde une remarquable symphonie mêlant sport, art et culture qui a tranché d’avec la grisaille olympique imposée par le COVID, pour nous replonger comme dans la bulle festive de Rio de 2016. Il est toujours bon de rappeler que ces Jeux-là sont totalement différents par l’ampleur, l’intensité, l’audience, la couverture médiatique et le rayonnement, des JOJ dont le spectre est beaucoup plus modeste.
Cependant, tous ces programmes organisés et menés sous le sceau de la paix, avec les valeurs d’excellence, de respect et d’amitié par le sport, n’en renforce qu’encore plus, les relations et la fraternité humaines.
Malgré tout, le monde au- delà des convergences, reste marqué par des spécificités et différences dont certaines de nature dogmatique, commandent plus d’attention et de vigilance face à des civilisations, croyances et modes de vie devenant de plus en plus débridés. Au moment où l’occident, singulièrement la vieille Europe, possède les moyens les plus sophistiqués et les plus insidieux pour aller à la conquête et à la domination des esprits et des cœurs, il s’avère impérieux de renforcer les barrières de protection singulièrement pour les plus vulnérables : les enfants et les jeunes.
C’est pourquoi, quand un programme qui peut s’adapter partout, dans des pays nombreux et divers (sans doute avec un fort coefficient de nivellement et d’homogénéisation) et qui, au surplus, est adossé à un substrat de valeurs, de principes et de mode de vie pas nécessairement conforme ou adapté au nôtre (au moins pour certains éléments et pas des moindre), alors s’impose, me semble-t-il, un fort devoir de vigilance.
Le PEVO nous dit-on, est je cite : « Le programme d'éducation aux valeurs olympiques est une collection de ressources d’apprentissage créées par le Comité International Olympique. En utilisant les symboles des Jeux Olympiques, les thèmes de l’Olympisme, et en puisant dans les traditions des Jeux Olympiques anciens et modernes, ce programme a pour but de disséminer un curriculum d’études basé sur les valeurs qui contribueront au développement du caractère de l’enfant et de la jeunesse. En utilisant le contexte des sports Olympiques, les participants acquièrent les compétences et les stratégies qui leurs apprendront à endosser les responsabilités de leur citoyenneté mondiale et leur éducation civique ».
Ainsi le Programme vise-t-il à contribuer au développement du caractère de l’enfant et de la jeunesse et à leur apprendre à endosser les responsabilités de leur citoyenneté mondiale et leur éducation civique. Pour la tranche d’âge de   8-12 ans, l’on pourrait préjuger d’un saut risqué vers l’inconnu qui nous éloignerait du bon principe senghorien de « L’enracinement avant l’ouverture ». Surtout que l’une des grandes difficultés et la délicatesse qui s’attachent à l’éducation des enfants ouvrent souvent la voie à l’opposition entre les réalités, croyances et valeurs de la famille et du milieu et celles de l’environnement extérieur souvent   niveleur et quelquefois assimilationniste même.  L’éducation de l’enfant à bas âge peut aisément contribuer, en le modelant, comme qui dirait, à étouffer tout sentiment de rejet et d’exclusion en l’accommodant à des réalités desquelles tout le sépare. Il est clair que pour des pays comme les nôtres, la dimension religieuse et morale prend une part importante dans la formation de nos enfants et jeunes pour ne pas libérer des boulevards qui ouvriraient les portes de la déperdition. Alors que la mission reste constante et pérenne : renforcer et préserver notre identité par la culture et le savoir, sanctifier nos valeurs, croyances et règles de vie pour conforter notre commune volonté de vie commune et de partage d’un destin de progrès et de dignité, pour le présent et pour le futur, pour les générations actuelles et celles à venir.
Je ne doute pas un instant que, le Ministère de l’Education nationale, fidèle à ses longues et ancrées traditions, saura faire la part de ce qui est utile et bénéfique pour notre communauté nationale, singulièrement pour nos enfants et nos jeunes.
En conclusion de cette contribution qui a voulu traiter avec beaucoup d’euphémisme, de questions sensibles et délicates, sur un mode attention et vigilance, je voudrais retenir et  recommander au moins  : Sur l’organisation des JOJ à Dakar en 2026 Je n’ai pas besoin outre mesure de revenir sur l’étendue des propos que j’avais avancés le 29 octobre 2018 dans ma contribution sur le sujet. Cependant, on peut globalement retenir : A recevoir ici à Dakar, la jeunesse de Belize, de Bolivie, des Bermudes, d’Aruba, de Sainte-Lucie, de Saint- Marin,  des Samoa américaines  et des Maldives , pour des JOJ couteux, et à mon sens, sans perspective de ‘’’gloire sportive’’’, je préfère très  nettement  organiser des Jeux africains  avec le Mali, la Mauritanie, la Gambie, les deux  Guinée le BURKINA ,l’AFRIQUE DU SUD ,le Maroc, l’Ethiopie, la Tunisie ,les deux Congo et tous les états de l’Union africaine .Cela aurait non seulement du sens relativement  au  rôle et à la place  de notre pays  dans la réalisation de l’unité africaine , mais  surtout corrigerait cette tâche politique et diplomatique  au regard de sa trajectoire, de n’avoir jamais organisé ni les Jeux Africains, ni  les Jeux de la Francophonie. Les derniers JOJ ont été organisés en 2018, à l’échelle africaine à Alger et à l’échelle mondiale à Buenos-Aires.  Pour les JOJ d’Alger, au classement africain, le Sénégal était à la 27éme place derrière nombre de pays de notre zone ouest-africaine dont la Cote d’ivoire, le Mali, la Guinée et la Gambie alors que les premières places étaient trustées par l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique du Sud. Si donc en Afrique nos performances nous relèguent dans les profondeurs du classement dans cette catégorie jeune, nous nous devons de prendre acte de nos limites dans le secteur et d’y remédier avec organisation, méthode et en y mettant des moyens accrus en tous genres. Tout le contraire de notre élite représentative sénior qui dans les jeux multisports africains, classe toujours le Sénégal dans les sept premières places, malgré la présence de pays hors norme comme l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Nigéria, et l’armada d’Afrique du Nord avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Maintenant au moment où se profilent à grande vitesse ces Jeux, cela pose problème d’entendre les différentes fédérations insister sur la sélection, la préparation et les moyens d’action au profit de nos jeunes équipes représentatives. C’est là une question de grande importance qu’il faut résoudre avec grande célérité. La valeur des Jeux ne s’appréciera pas simplement par le volume de la mobilisation autour de vedettes du showbiz ou du mbalax, mais autour de plateaux révélateurs de jeunes talents prometteurs à découvrir et à suivre pour le futur proche en vue d’une éclosion heureuse. Enfin, c’est connu notre pays a de fortes traditions religieuses qui l’ont toujours fait résister aux coups de boutoirs des innovations blâmables de l’occident y compris face aux plus grands dirigeants européens et américains. C’est clair que l’organisation des JOJ pourrait être une occasion grandeur nature, sous le diktat d’un lynchage médiatique et de fortes pressions en tous genres, de vives contraintes pour honorer des engagements contractuels qui, sur format généralisant, brasse large sur l’identité et le profil des sportifs et participants dont certains, pourraient bien évoluer sur le mode cheval de Troie pour heurter et violer nos us et coutumes. La question simple qui est posée est : au moment où avec une nouvelle LEGISLATURE, le durcissement de certaines lois est agité, que ferait, que pourrait, que deviendrait notre autorité face aux coups de boutoirs de toutes parts ? Pensant au Président POUTINE, ’’puissant Tzar de RUSSIE’’ dont la quiétude a pu être troublée en l’occasion, je me dis qu’il y a lieu d’ores et déjà, de dérouler les schémas appropriés avant l’heure, pour ne pas être incommodé par le choix entre l’honneur sauf et l’énorme gâchis d’un clash retentissant ou devoir ravaler notre fierté, toute honte bue, pour composer. Malheureusement tout cela pourrait être crédibilisé par la grande et récente nouvelle de la désignation de l’Arabie saoudite pour accueillir la Coupe du Monde de football de 2034 avec un message d’accueil et d’ouverture qui en dit long sur le chemin qu’il y aura à faire, sur les écueils à franchir et les nœuds à démêler. Ce qui en définitive est rassurant pour le Sénégal, c’est que dans l’évolution du temps, les hommes et les femmes en charge des affaires, ont toujours su trouver, chaque fois qu’il l’a fallu, les puissants ressorts d’ingéniosité et d’inventivité pour défendre et préserver les intérêts de notre pays, sa stabilité, sa quiétude et son honneur. Puisse-t-il en être ainsi encore dans les moments charnières qui se profilent à l’horizon.
Dakar, le 17 décembre 2024
Adama THIAM
Ancien Conseiller du Premier Ministre
Ancien Directeur de cabinet au Ministère de la Jeunesse et des Sports
Ancien Directeur de la Haute Compétition
Dimanche 22 Décembre 2024
Dakaractu