Arguments pour une Candidature plurielle au sein de BENNO

Note de l’auteur : Cette contribution avait été publiée pour alimenter la réflexion en vue du Séminaire du 28 mai 2011. Je me suis permis de la republier après quelques mises à jour compte tenu des difficultés actuelles de BSS à désigner son Candidat de l’unité et du rassemblement


En 2009, suite à l’engouement suscité par les Assises Nationales, BSS avait décidé de participer aux Elections régionales, municipales et rurales. Pour ce faire, des listes communes de candidatures ont été confectionnées dans chaque collectivité locale. Cette stratégie s’est révélée payante dans la mesure où BSS contrôle la majorité des Collectivités locales notamment les grandes villes du Sénégal du point de vue de leur poids électoral.
Cette première expérience réussie de participation à des élections, via une coalition, constitue sans aucun doute, le point de départ de toutes les conjectures, supputations et projections sur la stratégie électorale à adopter par BSS en perspective des Elections présidentielles de 2012.
A première vue, une analyse rapide de la situation pour apporter une réponse à cette question qui se pose crucialement aux différentes composantes de BSS, déboucherait sur l’adoption de la stratégie de la ‘’CANDIDATURE UNIQUE’’. Ceci se justifierait en vertu du postulat de base aussi simple que: ‘’ON NE CHANGE PAS UNE EQUIPE QUI GAGNE’’. En effet, il serait très difficile de démontrer que BSS n’aurait pas défait la Coalition SOPI, d’une manière aussi large et nette, si les parties qui la composent, n’avaient pas adopté une position commune face à l’adversaire. A l’inverse, il serait tout aussi hasardeux de penser que la stratégie de la ‘’CANDIDATURE UNIQUE ‘’ marcherait à tous les coups, de la même façon et produirait les mêmes résultats quel que soit le type de scrutin (municipal, législatif, présidentiel). Il en est de même quand il s’agit de cerner le comportement des électeurs selon les consultations électorales en question.

Le Contexte des Elections de 2012

Les Elections présidentielles de 2012 constituent un tournant décisif pour des raisons qu’il n’est pas besoin d’énumérer ici. Seulement, il convient de noter qu’après 50 ans d’indépendance, une nouvelle ère politique s’ouvre pour notre pays car l’Alternance intervenue en 2000 a sonné le glas d’un- demi siècle de bipolarisation de la vie politique (Diagne/Carpot, Senghor-Dia/L Gueye, Senghor/Wade, Diouf/Wade). Ainsi, Le règne de WADE pourrait être considéré comme une transition vers cette nouvelle ère politique où il ne sera plus fait mention de concepts de ‘’Père de l’Indépendance’’ ni d’ ‘’Opposant historique’’. Aussi, ne serait-il pas temps, comme le pensent certains, de céder la place à la génération post-indépendance ou faudrait t-il opter pour le statu quo. En tout état de cause, en 2012, tous les ‘’jeux’’ seront possibles et il appartiendra à BENNO de prouver que l’Alternance a déjà fait son temps d’où une autre alternative.
Au-delà du degré d’effervescence politique qu’elle peut induire selon qu’elle est couplée ou non à un scrutin législatif, une élection présidentielle fait référence avant tout à une ‘’affaire personnelle’’ en ce sens qu’à l’issue des consultations c’est une ‘’seule personne’’ qui sera bénéficiaire des suffrages des électeurs quelque soit le type d’appareil (coalition, parti, indépendant) qui a impulsé sa candidature. Ainsi, pour 2012, il convient de tirer les leçons du passé en évitant de porter aveuglément, à l’image de la CA 2000 et ensuite du FAL, la candidature unique d’un leader de parti dans le seul but de faire partir le ‘’Candidat du pouvoir en place’’. L’une des conséquences néfastes qui peut découler de cette approche, c’est qu’une fois porté à la ‘’magistrature suprême’’, le Président élu définit sa politique selon ses propres convictions et les orientations de sa formation politique sans être obligé de tenir compte des avis des autres partis qui l’ ont soutenu sans réserve. En effet, même un pacte signé à la veille d’élections ne peut constituer de paravent contre la possible remise en cause des clauses acceptées d’un commun accord. Que vaudra ce pacte devant l’expression du suffrage universel ? Ceci aboutit inéluctablement sur des mésententes, des blocages et finalement des clashs au sein des gouvernements mis en place d’un commun accord entre les alliés victorieux. Au bout du compte cela risque de créer une situation d’éternel recommencement pour certains partis politiques et une désaffection de l’électorat face aux promesses des politiques.

LIMITES D’UNE CANDIDATURE UNIQUE

Sans vouloir minimiser les avantages d’une candidature unique, cette option ne présente pas moins des risques inhérents au contexte politique actuel et à la relative fiabilité du processus électoral. En effet, il est presque établi que le Président Wade tentera par tous les moyens de se présenter aux élections sans tenir compte du principe des 2 mandats que la Constitution a établi. Il est aussi certain que le Pouvoir actuel, comme il a démontré dans le passé, n’hésitera pas à user des possibilités qui s’offrent à lui pour dérouter l’opposition (Projet de loi sur le ticket présidentiel à l’origine du soulèvement du 23 juin).
D’abord, si BENNO présente un seul candidat, que ferions-nous au cas où cette candidature était invalidée par le Conseil Constitutionnel pour une raison ou une autre ? Quid de l’invalidation, pour les raisons évoquées plus haut, du candidat du SOPI ou même de son désistement volontaire ?
Ensuite, la Candidature unique pourrait limiter l’engagement et l’ardeur des électeurs et militants des partis dont le candidat n’est pas retenu par BSS et partant contribuerait à émousser la campagne électorale de la Coalition.
Enfin, une candidature unique pourrait signifier et expliquer une relative percée de la Société civile dans le jeu politique, en reléguant au second plan les formations politiques, par le biais de candidatures indépendantes qui sont suscitées çà et là.
Ces limites n’enlèvent en rien la lancinante question liée au profil du ‘’Candidat unique idéal’’. Sur quelles bases va t-il être choisi ? Quels sont les critères qui doivent prévaloir ? Comment et par qui ces critères seront établis et validés ?
Par ailleurs, même s’il est devenu inapproprié d’évoquer des clivages idéologiques dans le cadre des rapports entre les composantes de BSS, il n’en demeure pas moins que celles-ci ne partagent pas les mêmes repères historiques ni les mêmes expériences électorales encore moins les mêmes rapports dans le passé avec le pouvoir en place. BSS, faut-il le reconnaître, est une coalition hétéroclite de ce point de vue d’où la nécessité de se retrouver autour d’un dénominateur commun qui doit prévaloir au-delà des élections présidentielles de 2012. En d’autres termes, il serait très dommageable pour notre pays à la suite du consensus issu des Assises Nationales, que l’échec d’une recherche d’une candidature unique entame la cohésion et l’union sacrée autour de BSS. Au contraire, BSS doit œuvrer à élargir ce consensus même auprès des autres partis tels que le PDS et ses satellites et ce quelque soit le résultat du scrutin présidentiel. En somme, il est temps d’accepter que les urgences sont ailleurs (intégration africaine) et des pays comme le nôtre ne peuvent plus se payer le luxe de divergences politiques profondes ; un minimum de consensus devant guider la marche de notre cher pays, le Sénégal.

CANDIDATURE PLURIELLE : Le Meilleur Choix

Au vu de ce qui précède, d’aucuns peuvent être amenés à penser que ce minimum de consensus relèverait d’une utopie et même d’une certaine ‘’myopie’’. C’est là où réside le problème. D’une part, aucune des formations politiques de BSS n’oseraient présenter un programme politique en 2012 en dehors des conclusions des Assises Nationales notamment la Charte de Gouvernance qu’elles ont toutes adoptées sous peine d’être perçue comme responsable de l’éclatement du cadre unitaire. D’autre part, il semble difficile pour beaucoup d’envisager que ces mêmes formations politiques s’alignent sur le même programme de gouvernance sans pour autant présenter une candidature unique.
Cette dialectique semble constituer, même si ce n’est pas reconnu à haute voix, l’élément déterminant qui justifie la pression qui pèse sur les différents leaders de BSS par rapport à l’option de la candidature unique même si celle-ci ne manque pas de présenter des limites stratégiques certaines (voir ci-haut) dans le contexte actuel.

Dès lors, il s’avère urgent pour toutes les composantes politiques de BSS, de reconnaître que la Charte de bonne gouvernance politique, économique et sociale édictée par les Assises Nationales n’est rien d’autre qu’une panoplie d’objectifs généraux voire spécifiques dans chaque domaine et qu’il appartiendra à chaque parti ou groupe de partis politiques d’en décliner les plans d’action spécifiques dans le respect strict du consensus et des options stratégiques déjà définis.
Autrement dit, chaque citoyen sénégalais est en droit d’attendre de chaque parti politique des propositions concrètes d’application des recommandations des Assises nationales et de juger de leur pertinence ou non afin de décider de lequel leader de BSS bénéficiera de ses suffrages. En fonction des choix proposés, le champ politique fera l’objet d’une très grande vivacité et le contrôle citoyen par le choix s’en trouverait renforcé. Aussi, une candidature plurielle au 1er tour (avec une option de soutien au 2e tour) au sein de BSS démontrerait-il mieux le caractère majoritaire de son électorat comme à l’issue des élections de 2009 et dissuaderait le camp du pouvoir dans ses velléités de fraude massive. Cette thèse peut être corroborée, même si le contexte diffère, par les récentes élections en Côte d’Ivoire, où la RHDP s’est lancée à la conquête séparée des suffrages au 1er tour (en guise de primaires) avant de porter leur camp au pouvoir à l’issue du 2e tour. A l’inverse, les partisans de la candidature unique n’ont pas pu tenir devant le camp présidentiel (Yayi BONI a raflé la mise au premier tour).

Au total, BSS peut laisser s’exprimer toutes ses composantes par le biais d’une candidature plurielle pour opérer le vrai changement au soir du 26 février sans entamer sa cohésion.

Cheikhou SOW
Cadre Financier
Membre de la Convergence des Cadres Républicains
Alliance Pour la République (APR)
Lundi 21 Novembre 2011
Cheikhou sow