Le texte du leader de l’APR sur la politique étrangère m’offre l’occasion, dans une perspective de débat d’idées auquel j’ai toujours souscrit, d’apporter cette modeste contribution. La première remarque qui m’est venue à l’esprit à la lecture du texte, est son caractère superficiel. Le carottage auquel il s’est livré, pour rester dans le registre de la géologie, a traversé bien peu de strates, tant son texte manque cruellement de densité et de profondeur.
D’autre part, sa vision diplomatique semble être un assemblage d'objectifs épars qui ne s’inscrivent pas dans une cohérence globale. Il navigue dans les lieux communs du discours diplomatique de ces dernières années sans vraiment apporter les éléments distinctifs permettant de coller l’épithète « nouvelle » à sa politique étrangère.
De ce point de vue si l’objectif de son passage à l’IFRI était de faire un discours fondateur sur sa politique étrangère, alors le résultat aura été bien quelconque. Ce discours trouve sa place plus dans les tiroirs de l’oubli que dans les annales de l’IFRI.
Diplomatie de bon voisinage : la fausse route
Au delà du fait que cette idée reprend, celle déjà formulée dans son projet par un autre candidat, donnant au leader de l’APR les allures d’un ministre des affaires étrangères de celui-ci, il convient de noter la fausse route qu’il prend, en parlant des mécanismes sur lesquels il veut construire sa diplomatie de bon voisinage qui, selon lui, passe « par une concertation permanente, des sommets bilatéraux, les projets sous régionaux sur la base d’intérêts communs et d’une coopération renforcée au service de la paix et du développement ».
Cette vision centrée sur la politique, est celle qui a prévalu jusque là, et a donné lieu dans le cadre de nos relations avec Banjul, au résultat mitigé de l’expérience sénégambienne. Elle doit être sinon substituée du moins complétée par une approche qui prend en compte l’essentiel : l’économie.
Pour ce qui de la Gambie par exemple, elle a une économie dépendant fortement de la réexportation qui représentait en 2009, 60% de ses exportations, et 11% du volume total de son commerce. Selon des estimations non officielles, les réexportations rapportent à la Gambie prés de 20% de ses réserves en devises étrangères.
Le Sénégal est la destination principale des exportations et surtout des réexportations gambiennes. Ainsi en 2009, plus du quart des exportations gambiennes (27.9%) se faisaient vers le Sénégal, ce qui représente 47.2% de celles faites dans l’espace CEDEAO (1).
La définition d’une politique de bon voisinage doit consister donc, dans une perspective néolibérale des relations internationales, à faire naitre de ces liens économique et commercial, une interdépendance politique et stratégique qui déteindra sur la résolution de la crise casamançaise.
Le résultat politique d’une coopération accrue avec les pays voisins dans le cadre du conflit casamançais s’acquiert plus par l’interdépendance qui naitra de la prise de conscience par tous les pays voisins, que leurs intérêts économiques et commerciaux ne peuvent être préservés que dans un contexte de paix et de stabilité.
BRIC ou BRICS?
Concernant les rapports avec les pays émergents, l’oubli (je n’oserai pas dire ignorance) de l’Afrique du Sud qui a rejoint ce groupe qui constitue 60% de la croissance mondiale, me semble être grave pour un candidat aux présidentielles d’un pays africain. L’Afrique du Sud a participé pour la première fois au sommet des BRICS d’avril 2011.
Le transfert de technologie qui est le prisme par lequel il voit nos relations avec les pays du BRICS, semble ignorer les spécificités des politiques étrangères de cet ensemble encore hétéroclite. Dès lors, c'est par une diplomatie à géométrie variable mettant l'accent sur ce que chacun de ces pays propose qu'on peut tirer parti de cette coopération.
Dans le cas de la Chine par exemple, parler de transfert de technologies me parait plus proche du rêve que de la réalité, tellement Pékin est peu enclin à en faire. Sa coopération avec les pays africains se décline plus en termes de financement et par la construction d’infrastructures.
Même si la politique africaine de la Chine est motivée principalement par ce que d’aucuns appellent la « diplomatie de l’énergie », ce qui exclurait le Sénégal qui ne dispose pas d’énormes ressources énergétiques, il faut noter qu’elle se déploie aussi dans le registre de la « diplomatie symbolique » à travers une projection de puissance (surtout de soft power) dans le continent noir. Dès lors, pour ce qu’il représente en Afrique, le Sénégal pourrait bénéficier dans ce cadre des fonds de Pékin (j’allais dire …de Taiwan) et de ses cadeaux infrastructurels.
Le transfert de technologie s’appliquerait plus à l’Inde qui en a fait un des instruments de politique étrangère pour deux raisons. D’une part pour combler son manque de moyen vis-à-vis de la Chine avec ses énormes fonds souverains qui s’alimentent des gargantuesques réserves de devises chinoises évaluées à 3200 milliards de dollars en 2011. D'autre part, pour coller au paradigme de Gandhi qui voulait que les relations de l’Inde avec l'Afrique soient basées sur un échange d'idées et de valeurs et non sur celui de matières premières contre des produits finis. C’est dans ce cadre que s’inscrivent l’ITEC (Indian Technical and Economic Cooperation) le premier grand programme que New Delhi a lancé dans le continent africain en 1964, et le Pan-African e-network lancé en 2008 dans le domaine de la télé-éducation et de la télémédecine.
Alioune Ndiaye
Diplômé de l'Institut Universitaires des Hautes Études Internationales de Genève.
alioune.ndiaye@graduateinstitute.ch
D’autre part, sa vision diplomatique semble être un assemblage d'objectifs épars qui ne s’inscrivent pas dans une cohérence globale. Il navigue dans les lieux communs du discours diplomatique de ces dernières années sans vraiment apporter les éléments distinctifs permettant de coller l’épithète « nouvelle » à sa politique étrangère.
De ce point de vue si l’objectif de son passage à l’IFRI était de faire un discours fondateur sur sa politique étrangère, alors le résultat aura été bien quelconque. Ce discours trouve sa place plus dans les tiroirs de l’oubli que dans les annales de l’IFRI.
Diplomatie de bon voisinage : la fausse route
Au delà du fait que cette idée reprend, celle déjà formulée dans son projet par un autre candidat, donnant au leader de l’APR les allures d’un ministre des affaires étrangères de celui-ci, il convient de noter la fausse route qu’il prend, en parlant des mécanismes sur lesquels il veut construire sa diplomatie de bon voisinage qui, selon lui, passe « par une concertation permanente, des sommets bilatéraux, les projets sous régionaux sur la base d’intérêts communs et d’une coopération renforcée au service de la paix et du développement ».
Cette vision centrée sur la politique, est celle qui a prévalu jusque là, et a donné lieu dans le cadre de nos relations avec Banjul, au résultat mitigé de l’expérience sénégambienne. Elle doit être sinon substituée du moins complétée par une approche qui prend en compte l’essentiel : l’économie.
Pour ce qui de la Gambie par exemple, elle a une économie dépendant fortement de la réexportation qui représentait en 2009, 60% de ses exportations, et 11% du volume total de son commerce. Selon des estimations non officielles, les réexportations rapportent à la Gambie prés de 20% de ses réserves en devises étrangères.
Le Sénégal est la destination principale des exportations et surtout des réexportations gambiennes. Ainsi en 2009, plus du quart des exportations gambiennes (27.9%) se faisaient vers le Sénégal, ce qui représente 47.2% de celles faites dans l’espace CEDEAO (1).
La définition d’une politique de bon voisinage doit consister donc, dans une perspective néolibérale des relations internationales, à faire naitre de ces liens économique et commercial, une interdépendance politique et stratégique qui déteindra sur la résolution de la crise casamançaise.
Le résultat politique d’une coopération accrue avec les pays voisins dans le cadre du conflit casamançais s’acquiert plus par l’interdépendance qui naitra de la prise de conscience par tous les pays voisins, que leurs intérêts économiques et commerciaux ne peuvent être préservés que dans un contexte de paix et de stabilité.
BRIC ou BRICS?
Concernant les rapports avec les pays émergents, l’oubli (je n’oserai pas dire ignorance) de l’Afrique du Sud qui a rejoint ce groupe qui constitue 60% de la croissance mondiale, me semble être grave pour un candidat aux présidentielles d’un pays africain. L’Afrique du Sud a participé pour la première fois au sommet des BRICS d’avril 2011.
Le transfert de technologie qui est le prisme par lequel il voit nos relations avec les pays du BRICS, semble ignorer les spécificités des politiques étrangères de cet ensemble encore hétéroclite. Dès lors, c'est par une diplomatie à géométrie variable mettant l'accent sur ce que chacun de ces pays propose qu'on peut tirer parti de cette coopération.
Dans le cas de la Chine par exemple, parler de transfert de technologies me parait plus proche du rêve que de la réalité, tellement Pékin est peu enclin à en faire. Sa coopération avec les pays africains se décline plus en termes de financement et par la construction d’infrastructures.
Même si la politique africaine de la Chine est motivée principalement par ce que d’aucuns appellent la « diplomatie de l’énergie », ce qui exclurait le Sénégal qui ne dispose pas d’énormes ressources énergétiques, il faut noter qu’elle se déploie aussi dans le registre de la « diplomatie symbolique » à travers une projection de puissance (surtout de soft power) dans le continent noir. Dès lors, pour ce qu’il représente en Afrique, le Sénégal pourrait bénéficier dans ce cadre des fonds de Pékin (j’allais dire …de Taiwan) et de ses cadeaux infrastructurels.
Le transfert de technologie s’appliquerait plus à l’Inde qui en a fait un des instruments de politique étrangère pour deux raisons. D’une part pour combler son manque de moyen vis-à-vis de la Chine avec ses énormes fonds souverains qui s’alimentent des gargantuesques réserves de devises chinoises évaluées à 3200 milliards de dollars en 2011. D'autre part, pour coller au paradigme de Gandhi qui voulait que les relations de l’Inde avec l'Afrique soient basées sur un échange d'idées et de valeurs et non sur celui de matières premières contre des produits finis. C’est dans ce cadre que s’inscrivent l’ITEC (Indian Technical and Economic Cooperation) le premier grand programme que New Delhi a lancé dans le continent africain en 1964, et le Pan-African e-network lancé en 2008 dans le domaine de la télé-éducation et de la télémédecine.
Alioune Ndiaye
Diplômé de l'Institut Universitaires des Hautes Études Internationales de Genève.
alioune.ndiaye@graduateinstitute.ch