Amnistie générale : Les péripéties d’un projet de loi polémique !


L’arrestation le 3 mars du leader de Pastef Ousmane Sonko, a été suivie de heurts (échanges de jets de pierre et des tirs de gaz lacrymogènes, entre des groupes de jeunes et la police, des pillages de magasins sont également répertoriés). 

Lors de ces douloureux événements, les locaux du quotidien Le Soleil et de la Radio Futurs Médias sont attaqués par des manifestants. Des supermarchés (Auchan et des stations-service Total) sont pris pour cible, car la France était considérée comme une alliée du président Macky Sall. L’opposant Ousmane Sonko a été arrêté le vendredi 28 juillet 2023. Le procureur affirme qu’il fait l’objet d’une enquête pour « divers délits et crimes  notamment appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sureté de l’État, complot contre l’autorité de l'État, actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et vol. 

 

La première annonce forte faite par le président Macky Sall a été lors de son dernier entretien avec une partie de la presse sénégalaise. « Nous allons essayer d’aller vers ces moments de pardon, et en passant par toutes les voies de droit que cela devra permettre de faire », annonçait ainsi le chef de l'État Macky Sall depuis le palais présidentiel. Mais quel sera le prix de ce vent d’apaisement au vu de ce qui s’est passé depuis 2021 principalement, avec les fortes violences qui ont émaillé l’espace politique. L’amnistie ? Est-ce la bonne formule pour dépasser cette tension flottante depuis quelques temps? 

 

Cet acte législatif relevant de la compétence, bien évidemment du parlement, est décrétée par une loi qui supprime « le caractère d'infraction à certains faits ». Quels sont ces faits auxquels fait allusion le président Macky Sall? Le chef de l’exécutif, ce lundi lors du lancement des travaux du dialogue, a formellement annoncé qu’il saisira l’Assemblée nationale d’un projet de loi d’Amnistie générale sur les faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024. « Je souhaite, au-delà du souci légitime de justice et de redevabilité, que l’amnistie et le pardon, par leurs vertus salutaires pour la Nation, nous aident à surmonter ces moments difficiles, afin que notre cher pays se réconcilie avec lui-même, en remettant toutes ses forces vives autour de l’essentiel : c’est à dire, la sauvegarde de notre unité nationale, toutes sensibilités confondues, et la préservation de l’État de droit et de la République. Cela permettra de pacifier l’espace politique, de raffermir davantage notre cohésion nationale et de maintenir le rayonnement démocratique de notre pays »,  assurait le chef suprême des armées. 

 

Ce sont des faits qui laissent bien évidemment des traces douloureuses dans la vie d’une nation. Et c’est le cas pour le Sénégal. Ce qui caractérise le citoyen depuis que cette loi d’amnistie est évoquée par le chef de l’État, « c’est en quelque sorte, l’indignation que cela a suscité chez une majeure partie de la communauté ». Plus de 80 morts depuis 2021, des milliards et plusieurs biens partis en fumée. Hélas! Avec cette loi brandie par l’autorité suprême, il y’a lieu d’être préoccupé.

 

Revenons aux faits que peut viser cette loi. Dans une des sorties du professeur Ismaïla Madior Fall, une piste est donnée : « dans la vie d’une nation, il y’a des moments où il faut faire des arbitrages. Le président de la République a décidé d’aller dans le sens de l’oubli, du pardon et de la réconciliation! » Cependant, le Constitutionnaliste précise que l’affaire Mame Mbaye Niang et celle d'Adji Sarr ne font pas partie de ces faits que prendra en compte l’amnistie si on ne les met pas dans le périmètre de la loi en question ».  Il faut noter que la loi d’amnistie est souvent déclenchée au Sénégal dans la perspective d’élection. L’on se rappelle en 1988, avec les troubles consécutifs au déroulement des élections du 28 février de la même année. 

Et dans cette perspective, l’impunité n’est-elle pas devenue « une friandise » pour l’acteur politique qui, décidément, devient un « intouchable »? 

 

Il faut dire que cette loi est loin de faire l’unanimité dans la classe politique. Le ministre du travail estime que le Sénégal a besoin certes, de pacifier l’espace, mais il ne fait pas oublier ce qui s’est passé. L’université attaquée, brûlée, des jeunes filles consumées dans d’un bus, des instruments de fourniture d’eau détruits, sont suffisamment de facteurs illustrant son désaccord pour l’amnistie. 

Me El hadj, qui pense d’ailleurs comme le SG du PIT, prône pour la justice dans toute sa rigueur. Pour l’instant, le président Macky Sall semble bien tenir à « sa pacification » de l’espace politique au moment où une bonne partie de l’opposition soupçonne une manigance de la part de l’exécutif pour se tirer d’affaire après tous les événements dans lesquels « lui et son régime seraient fortement impliqués ». Macky Sall a annoncé que ce mercredi en conseil des ministres, il va présenter le projet de loi au gouvernement pour son adoption avant son passage à l’Assemblée nationale. Quels seront les faits qui seront réellement concernés dans le périmètre de ce projet de loi? La question reste entière avant le passage à  l’assemblée de ce projet de loi déjà polémique. 

 
Mercredi 28 Février 2024
Cheikh Sadibou Fall