Au secours, la République chavire ! A l’instar du bateau le Joola. De cette Casamance – source jamais tarie des cauchemars nationaux – un hiérarque du Pds, Khoureychi Thiam, vient de dévoiler le poison le plus nocif contre le socle de notre système politique et démocratique. Révélation inquiétante et publique de ce membre du gouvernement : « Des gouverneurs roulent pour Wade ; le commandement territorial renferme des gouverneurs qui ont adhéré au wadisme ». C’est clair, fou et…périlleux.
Pour rester 50 ans au pouvoir, est-il raisonnable d’inhumer la République et de démolir l’Etat ? C’est Wade, lui-même, qui avait donné le ton de la chanson, en annonçant, depuis de la ville de Mbacké, un bail de cinq décennies pour le Pds à la tête du Sénégal. Question : le responsable libéral de Tambacounda chante-t-il juste ou faux ? En tout cas, il a franchi le Rubicon. Et, au passage, atterré ses concitoyens dont la majorité écrasante (le fichier électoral en fait foi) n’adhère à aucun des cent soixante-dix partis politiques.
Homme politique chevronné, doyen ou vice-doyen (en âge) du gouvernement et docteur en sciences politiques, Khoureychi Thiam ne devrait pas, si tardivement, se découvrir une vocation de pyromane des fondamentaux de la république et des piliers sur lesquels repose l’Etat. Dont la solidité et la neutralité positive ont placé le Sénégal à l’abri de beaucoup de tourmentes enregistrées sur le continent.
Au plan civique, la déclaration du ministre de la Pêche et des Transports maritimes, constitue un effrayant mélange d’hérésie et de calamité. Car l’Administration territoriale (anciennement la Préfectorale née de la Loi française du 7 février 1800) a été bien réceptionnée des fourgons du colonialisme puis génialement acclimatée. Ce qui a donné un fruit de qualité – en l’occurrence, l’Etat sénégalais – dont l’appareil administratif a été le fer de lance de la stabilisation du territoire et du brassage des ethnies. En un mot, de l’émergence d’une Nation enviée par nombre de pays africains qui ne sont, jusque-là, que des juxtapositions d’ethnies ou des constellations de tribus.
D’un point de vue politique, ces propos sont lourds de périls pour la vitalité de la démocratie ; et chargés de menaces pour la crédibilité de l’Etat. Ils sont, aussi et surtout, grossièrement frappés d’inintelligence. Voire de cécité. Si Khoureychi Thiam n’avait pas la mémoire gelée par la douceur des sinécures, il ne gafferait pas de la sorte. En effet, si le Général Lamine Cissé, ministre de l’Intérieur et patron des gouverneurs et préfets (1998 – 2000) avait roulé pour Abdou Diouf et / ou adhéré au « dioufisme », l’actuel patron du Pds à Tamba, n’aurait jamais eu un destin ministériel. Ne dit-on pas que le parti pris en vigueur dans les partis politiques, finit par crétiniser le plus brillants des esprits ? Etonnant Sénégal, où les chefs militaires sont plus habités par le culte de l’Etat et la mystique de la république que les politiciens professionnels !
Par ailleurs, cette assertion peu élogieuse à l’endroit des administrateurs civils, offre un écheveau d’absurdités et d’inepties à démêler. D’abord, les rapports de subordination entre le Président de la république et les gouverneurs sont d’une évidence qui n’a pas besoin d’une mise en évidence. La Constitution est d’une limpidité totale : le Président nomme aux emplois civils et militaires les plus élevés, les personnes de son choix.
C’est là, l’expression d’un pouvoir discrétionnaire qui certifie que les ministres, les généraux, les gouverneurs (synonymes de préfets dans certains pays) et les ambassadeurs sont dépositaires de l’entière confiance du chef de l’Etat. D’autant qu’ils sont nommés intuitu personæ. Illustration d’un rapport de confiance étroite et personnelle entre le premier des Sénégalais et une poignée de hauts exécutants des missions névralgiques de l’Etat. D’où l’obligation de loyauté à toute épreuve, et l’impératif d’obéissance sans bornes. Deux contraintes qui entraînent une soumission au chef de l’Etat – détenteur d’une légitimité tirée du suffrage universel – et non un assujettissement au Secrétaire général d’un parti, c’est-à-dire d’une association privée.
Ensuite, cette admirable et sacerdotale vocation des grands commis de l’Etat ne doit pas être assimilée à une obséquiosité militante. Sinon, on ravalerait les gouverneurs et les préfets – représentants du gouvernement central aux échelons régional et départemental – au niveau de laquais et de valets des chefs de partis. Et hâterait le crépuscule de la république puis l’effilochement de l’Etat et, in fine l’agonie de la démocratie.
Cependant, les libéraux n’en ont cure. Tellement leur phobie de l’orthodoxie étatique est patente. En vérité, la nomenklatura du Pds qui est issue principalement du Barreau, de l’Université et de… la rue (ex-chômeurs) n’a jamais eu de sympathie particulière pour les énarques. Son dur et long combat contre le régime socialiste jadis dominé par des administrateurs civils de haut vol (Abdou Diouf, Babacar Bâ, Habib Thiam et Jean Collin) explique peut-être cela. Attitude qui a favorisé la profusion d’agences largement pilotées par des gens bénéficiaires de contrats spéciaux et exorbitants, dans un pays où foisonnent de grands commis de l’Etat visiblement sous-utilisés.
Paradoxalement, la tentation du caporalisme semble irrésistible chez les libéraux. Comme toujours, c’est encore Wade qui montre et ouvre la voie. De retour d’un périple moyen-oriental, le Président avait, il y a quelques année, vanté les vertus du despotisme…éclairé. Un penchant qui donne un sens aux indiscrétions de Khoureychi Thiam ; mais inquiète évidemment le reste de la classe politique et toute la société civile. Puisque rien ne n’empêche Wade et son régime – surtout pas une once de scrupule démocratique – d’enrôler des Généraux dans le wadisme, afin de transformer la gendarmerie nationale en une milice libérale ; et les soldats de l’armée nationale, en goumiers du Pds. La même logique a présidé à la vassalisation programmée des milliers de chefs de village du Sénégal, par le versement d’un salaire. Qui consacre une fonctionnarisation louche. Tout comme le sursalaire en millions de francs (« bougna » en ouolof) opportunément accordé aux magistrats, et la prise en charge par l’Etat du Magal de Touba, à l’orée de la présidentielle – annonce faite par le ministre de l’Intérieur – reflète la même soif de victoires électorales. Y compris aux forceps.
D’ores et déjà, le potentiel de dégâts est au rendez-vous de février 2012, avec son lot de controverses anticipées. Car, Khoureychi Thiam n’a pas apporté que de l’eau au moulin des partis d’oppositions et des sympathisants de tous les candidats à l’élection présidentielle. C’est un ruisseau entier qu’il y a jeté. Du coup, le décor d’une contestation post-électorale est planté, eu égard aux accusations d’avance confortées par de robustes soupçons à l’endroit du commandement territorial vachement mouillé par un ministre trop zélé.
En définitive, ce discours véhiculé par un ponte (jusque-là non désavoué) du Pds, fonde rétrospectivement toutes les critiques et résistances observées à Sangalkam et ailleurs, contre les Délégations spéciales frénétiquement installées à la pelle. Et ramène certaines péripéties qui ont ponctué la marche de la Décentralisation, à une série de coups fourrés longuement mijotés contre les bastions et autres circonscriptions tombés, en mars 2009, dans l’escarcelle de Benno Siggil Sénégal. Moralité : la démocratie n’est pas une question d’apparat juridique (les textes de loi) ni de décor électoral (les scrutins) ; mais de sincérité impossible à mesurer au double décimètre.
Toutes choses qui – à défaut d’un rapide coup d’arrêt – logeront inéluctablement le Sénégal, à l’enseigne des démocraties au rabais. Voire bananières. Où le corps préfectoral efface littéralement le corps électoral lors des scrutins. Conformément au vœu irréaliste et dangereux de Khoureychi et de ses camarades libéraux, tous enclins à mobiliser les moyens extrêmes (c’est un euphémisme) pour rester, un demi-siècle, au pouvoir.
BABACAR JUSTIN NDIAYE
Pour rester 50 ans au pouvoir, est-il raisonnable d’inhumer la République et de démolir l’Etat ? C’est Wade, lui-même, qui avait donné le ton de la chanson, en annonçant, depuis de la ville de Mbacké, un bail de cinq décennies pour le Pds à la tête du Sénégal. Question : le responsable libéral de Tambacounda chante-t-il juste ou faux ? En tout cas, il a franchi le Rubicon. Et, au passage, atterré ses concitoyens dont la majorité écrasante (le fichier électoral en fait foi) n’adhère à aucun des cent soixante-dix partis politiques.
Homme politique chevronné, doyen ou vice-doyen (en âge) du gouvernement et docteur en sciences politiques, Khoureychi Thiam ne devrait pas, si tardivement, se découvrir une vocation de pyromane des fondamentaux de la république et des piliers sur lesquels repose l’Etat. Dont la solidité et la neutralité positive ont placé le Sénégal à l’abri de beaucoup de tourmentes enregistrées sur le continent.
Au plan civique, la déclaration du ministre de la Pêche et des Transports maritimes, constitue un effrayant mélange d’hérésie et de calamité. Car l’Administration territoriale (anciennement la Préfectorale née de la Loi française du 7 février 1800) a été bien réceptionnée des fourgons du colonialisme puis génialement acclimatée. Ce qui a donné un fruit de qualité – en l’occurrence, l’Etat sénégalais – dont l’appareil administratif a été le fer de lance de la stabilisation du territoire et du brassage des ethnies. En un mot, de l’émergence d’une Nation enviée par nombre de pays africains qui ne sont, jusque-là, que des juxtapositions d’ethnies ou des constellations de tribus.
D’un point de vue politique, ces propos sont lourds de périls pour la vitalité de la démocratie ; et chargés de menaces pour la crédibilité de l’Etat. Ils sont, aussi et surtout, grossièrement frappés d’inintelligence. Voire de cécité. Si Khoureychi Thiam n’avait pas la mémoire gelée par la douceur des sinécures, il ne gafferait pas de la sorte. En effet, si le Général Lamine Cissé, ministre de l’Intérieur et patron des gouverneurs et préfets (1998 – 2000) avait roulé pour Abdou Diouf et / ou adhéré au « dioufisme », l’actuel patron du Pds à Tamba, n’aurait jamais eu un destin ministériel. Ne dit-on pas que le parti pris en vigueur dans les partis politiques, finit par crétiniser le plus brillants des esprits ? Etonnant Sénégal, où les chefs militaires sont plus habités par le culte de l’Etat et la mystique de la république que les politiciens professionnels !
Par ailleurs, cette assertion peu élogieuse à l’endroit des administrateurs civils, offre un écheveau d’absurdités et d’inepties à démêler. D’abord, les rapports de subordination entre le Président de la république et les gouverneurs sont d’une évidence qui n’a pas besoin d’une mise en évidence. La Constitution est d’une limpidité totale : le Président nomme aux emplois civils et militaires les plus élevés, les personnes de son choix.
C’est là, l’expression d’un pouvoir discrétionnaire qui certifie que les ministres, les généraux, les gouverneurs (synonymes de préfets dans certains pays) et les ambassadeurs sont dépositaires de l’entière confiance du chef de l’Etat. D’autant qu’ils sont nommés intuitu personæ. Illustration d’un rapport de confiance étroite et personnelle entre le premier des Sénégalais et une poignée de hauts exécutants des missions névralgiques de l’Etat. D’où l’obligation de loyauté à toute épreuve, et l’impératif d’obéissance sans bornes. Deux contraintes qui entraînent une soumission au chef de l’Etat – détenteur d’une légitimité tirée du suffrage universel – et non un assujettissement au Secrétaire général d’un parti, c’est-à-dire d’une association privée.
Ensuite, cette admirable et sacerdotale vocation des grands commis de l’Etat ne doit pas être assimilée à une obséquiosité militante. Sinon, on ravalerait les gouverneurs et les préfets – représentants du gouvernement central aux échelons régional et départemental – au niveau de laquais et de valets des chefs de partis. Et hâterait le crépuscule de la république puis l’effilochement de l’Etat et, in fine l’agonie de la démocratie.
Cependant, les libéraux n’en ont cure. Tellement leur phobie de l’orthodoxie étatique est patente. En vérité, la nomenklatura du Pds qui est issue principalement du Barreau, de l’Université et de… la rue (ex-chômeurs) n’a jamais eu de sympathie particulière pour les énarques. Son dur et long combat contre le régime socialiste jadis dominé par des administrateurs civils de haut vol (Abdou Diouf, Babacar Bâ, Habib Thiam et Jean Collin) explique peut-être cela. Attitude qui a favorisé la profusion d’agences largement pilotées par des gens bénéficiaires de contrats spéciaux et exorbitants, dans un pays où foisonnent de grands commis de l’Etat visiblement sous-utilisés.
Paradoxalement, la tentation du caporalisme semble irrésistible chez les libéraux. Comme toujours, c’est encore Wade qui montre et ouvre la voie. De retour d’un périple moyen-oriental, le Président avait, il y a quelques année, vanté les vertus du despotisme…éclairé. Un penchant qui donne un sens aux indiscrétions de Khoureychi Thiam ; mais inquiète évidemment le reste de la classe politique et toute la société civile. Puisque rien ne n’empêche Wade et son régime – surtout pas une once de scrupule démocratique – d’enrôler des Généraux dans le wadisme, afin de transformer la gendarmerie nationale en une milice libérale ; et les soldats de l’armée nationale, en goumiers du Pds. La même logique a présidé à la vassalisation programmée des milliers de chefs de village du Sénégal, par le versement d’un salaire. Qui consacre une fonctionnarisation louche. Tout comme le sursalaire en millions de francs (« bougna » en ouolof) opportunément accordé aux magistrats, et la prise en charge par l’Etat du Magal de Touba, à l’orée de la présidentielle – annonce faite par le ministre de l’Intérieur – reflète la même soif de victoires électorales. Y compris aux forceps.
D’ores et déjà, le potentiel de dégâts est au rendez-vous de février 2012, avec son lot de controverses anticipées. Car, Khoureychi Thiam n’a pas apporté que de l’eau au moulin des partis d’oppositions et des sympathisants de tous les candidats à l’élection présidentielle. C’est un ruisseau entier qu’il y a jeté. Du coup, le décor d’une contestation post-électorale est planté, eu égard aux accusations d’avance confortées par de robustes soupçons à l’endroit du commandement territorial vachement mouillé par un ministre trop zélé.
En définitive, ce discours véhiculé par un ponte (jusque-là non désavoué) du Pds, fonde rétrospectivement toutes les critiques et résistances observées à Sangalkam et ailleurs, contre les Délégations spéciales frénétiquement installées à la pelle. Et ramène certaines péripéties qui ont ponctué la marche de la Décentralisation, à une série de coups fourrés longuement mijotés contre les bastions et autres circonscriptions tombés, en mars 2009, dans l’escarcelle de Benno Siggil Sénégal. Moralité : la démocratie n’est pas une question d’apparat juridique (les textes de loi) ni de décor électoral (les scrutins) ; mais de sincérité impossible à mesurer au double décimètre.
Toutes choses qui – à défaut d’un rapide coup d’arrêt – logeront inéluctablement le Sénégal, à l’enseigne des démocraties au rabais. Voire bananières. Où le corps préfectoral efface littéralement le corps électoral lors des scrutins. Conformément au vœu irréaliste et dangereux de Khoureychi et de ses camarades libéraux, tous enclins à mobiliser les moyens extrêmes (c’est un euphémisme) pour rester, un demi-siècle, au pouvoir.
BABACAR JUSTIN NDIAYE
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