Le violent incendie de la Médina a surpris et ému toute la population. C’est le moins qu’on puisse dire. Une tragédie qui s’est abattue sur de jeunes enfants déjà malmenés par la vie. Mendicité, maltraitance et privations de toutes sortes constituant le lot quotidien de leur frêle vie. L’enseignement dans sa forme la plus cruelle, la plus inhumaine et la plus avilissante qui soit. C’est avec l’obole jetée à leur figure ou l’offrande en graines de riz envoyée dans leur pot qu’on se calme la conscience. Ne vous en faites pas trop d’ailleurs. On cultive, dit-on, à cet âge si jeune les vertus cardinales de l’humilité et de la patience sous l’œil avisé du maître coranique. L’alibi fallacieux des décisions paternelles sans équivoque pour se soustraire si indignement des responsabilités familiales.
À l’image des quartiers périphériques de la capitale dakaroise gagnés chaque année par les inondations hivernales, le fléau des enfants de la rue en général suscite l’intérêt des pouvoirs politiques seulement lorsque qu’une catastrophe survient avant de se dissiper dans les souvenirs en attendant une autre calamité. Ballet de politiciens et discours démagogiques pour calmer les ardeurs et tirer éventuellement un gain politique du malheur des victimes.
On laisse ainsi toujours prospérer la bêtise humaine sous le couvert d’un fatalisme béat en s’imaginant que le bon dieu veillera sur nous jusqu’au jour où le ciel nous tombe dessus. Les rescapés se mordent le doigt, interrogent leur conscience et s’aperçoivent alors de leur fatidique incurie. Trop tard. Les plus naïfs laissent parler leurs émotions et jurent que cela ne se répétera plus jamais.
Nos faits et gestes des jours suivants nous prouvent toujours du contraire. On continue à ramer à contre-courant de l’ordre dans l’espace publique et du civisme dans nos rapports.
Pour rappel, il était une fois un magnifique bateau en provenance du Sud du pays qui avait péri dans les eaux atlantiques emportant des milliers de vies humaines …
Si les adultes ont une responsabilité et une liberté quasi-totale sur leur propre vie et leur destinée, il en est tout autrement des enfants. La société dans son ensemble, et l’état au premier chef, ont un devoir de veille, de surveillance et de protection des enfants, car ces derniers, rappelons-le, n’ont pas demandé à venir au monde. Ils ne doivent sous aucun prétexte être laissés à eux-mêmes.
Quelle place pour les écoles coraniques?
Depuis longtemps, on parle du statut des écoles coraniques et de leur modernisation, mais le pays a-t-il réellement besoin de ces établissements en marge de l’école officielle francophone? Je ne le crois pas.
Il ne devrait y avoir dans un pays organisé et bien géré deux systèmes éducatifs qui peuvent sembler s’accorder dans leurs objectifs de départ, mais dont les finalités s’opposent. En effet, le champ d’action de l’école devrait s’articuler autour de la triptyque : instruire, socialiser et qualifier. Et si dans les deux modèles éducatifs existants, on réussit bien à instruire et à socialiser, c’est dans la qualification que les divergences de desseins se manifestent.
L’école coranique, tel qu’elle apparaît dans notre pays, n’a pas pour vocation de fournir pour ceux qui l’auraient suivie dans l’ensemble de leur cursus scolaire, un emploi dans une des filières d’embauche de l’État. Elle n’offre aucun débouché à la jeunesse – contrairement aux pays dont l’arabe est la langue officielle- à part l’enseignement de l’arabe. Et pourtant, l’école a le devoir de rendre tous les élèves aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire et à s’intégrer à la société par la maîtrise de compétences professionnelles.
Alors, dans un pays en majorité musulmane où l’islam occupe une place importante dans le cœur des citoyens et où l’application adéquate de la religion passe nécessairement par la maîtrise de la lecture du coran et une connaissance minimale des fondamentaux de la religion, la politique éducative de l’État devrait prendre un nouveau virage en tenant compte des réalités socioculturelles du pays.
Cela passe inévitablement par l’intégration de l’enseignement religieux (islamique et chrétien) dans un nouveau régime pédagogique au primaire et au secondaire. Car au-delà des disciplines traditionnelles enseignées, l’école compte parmi ses missions le développement et la promotion de valeurs et d’attitudes reconnues par les différentes communautés au Sénégal. De plus, elle doit obligatoirement répondre aux besoins spécifiques des populations avec un curriculum qui contiendra des cours tels que l’éthique et la culture religieuse ou l’enseignement moral et religieux adaptés à leur âge et au contexte dans lequel évolue les élèves.
Ainsi, plutôt que de laisser les parents confier l’éducation de leur progéniture à n’importe qui , une politique éducative inclusive de l’État permettra par exemple au jeune, à la fin de son primaire, d’être capable de réciter quelques sourates du coran pour ses prières et reconnaître les bases de la foi religieuse.
La formation en éthique au secondaire permettra à l’élève, entre autres compétences, de réfléchir sur les valeurs et les prescriptions sociales; de faire des choix en fonction du bien commun, de s’engager et d’agir envers les autres de façon responsable et autonome ; de reconnaître différentes façons de voir la vie, les relations avec les autres et la place de l’être humain dans le monde.
Quant à la formation religieuse, son objectif sera de permettre à l’élève de se familiariser avec l’héritage religieux du Sénégal, de s’ouvrir à la diversité religieuse et surtout de se situer de façon réfléchie au regard des religions et des nouveaux mouvements religieux.
Cela rassurera les parents quant à l’acquisition de connaissances religieuses de leurs enfants et permettra également à l’État de résoudre définitivement le problème des écoles coraniques qui essaiment dans l’ensemble du pays et d’être le seul décideur légitime de l’orientation éducative du pays.
Cela demande du courage politique.
Lamine Niang, Montréal
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