À Louveciennes, la vente d’un château à 275 millions d'euros fait jaser

VIDÉO - Devenue le théâtre de la plus grosse transaction immobilière mondiale pour une demeure privée, cette petite commune des Yvelines s’interroge sur l’identité de l’acquéreur. Et sur l’impact de cette vente.


A Louveciennes, commune d’implantation du «Château Louis XIV», cette bâtisse achevée en 2011 qui se serait vendue 275 millions d’euros, alimente les discussions. Et la principale question qui agite les habitants de ce bourg de 7000 habitants dans les Yvelines, à 20 km de Paris, c’est: qui peut bien être le mystérieux acquéreur ayant déboursé une telle somme? Cette vente réalisée par le réseau Christie’s International Real Estate , dont le représentant est Daniel Féau, Belles Demeures de France (qui ne commente pas l’information) en fait la demeure privée la plus chère au monde.
Les pistes évoquant une acquisition par les propriétaires qataris du PSG ayant été démenties, il semble en revanche acquis que l’acheteur est originaire du Moyen-Orient. «Même pour des Russes ou des Chinois, c’est devenu trop cher», estime Edouard, un habitant de la commune. Il est vrai qu’avec 5000 m² habitables annoncés, cette bâtisse d’inspiration 17e siècle réalisée avec l’aide des meilleurs artisans et renfermant des équipement high tech (domotique, salon sous un aquarium, salle de squash, etc.) se serait donc vendue pas moins de 55.000 euros le mètre carré!
3 millions pour la commune?

«Nous n’avons pas été mis au courant de cette transaction, précise pour sa part Pierre-François Viard, maire de Louveciennes. Il est vrai que le domaine n’est pas en zone préemptable et donc la déclaration d’intention d’aliéner n’est pas obligatoire.» Comme d’autres, le maire s’interroge sur le montant de la transaction. Mais s’il se confirmait, cela pourrait faire les affaires des finances municipales. A raison de 1,2% de droits de mutation pour la commune, l’enveloppe pourrait peser 3,3 millions d’euros. Mais l’élu n’y croit guère, la cession sous forme de parts de SCI devrait réduire sensiblement la note.

«Ces prix fous, ça nous passe au-dessus de la tête, admet de son côté Nathalie Morel, gérante de l’agence immobilière Rombaut à Louveciennes. Nous partageons le même code postal que ce château mais sur la commune les prix sont plutôt orientés vers une nette baisse.» Selon elle, les propriétaires de la commune ont longtemps refusé de baisser les tarifs et aujourd’hui s’ils veulent vendre les décotes sont très fortes. Ce qui se vendait il y a peu à 4500 euros le mètre carré, part désormais entre 3500 et 4000 euros voire 3200 euros. Quinze fois moins cher que le fameux château.
Le mystère est d’autant plus épais que cette propriété bâtie sur un terrain de 23 hectares en lieu et place de l’ancien château du Camp est à l’écart de Louveciennes et son accès est bien protégé. Le promoteur d’origine saoudienne Emad Khashoggi, patron de la société Cogemad qui a réalisé les lieux, a bien organisé quelques visites de chantier avec la municipalité mais les habitants savent peu de chose de cette extravagante demeure. Certains croient savoir qu’elle a déjà été vendue une première fois. D’autres notent que le montant de la transaction est surprenant sachant que le domaine avait été évalué quasiment à la moitié du montant de la transaction voilà quelques mois. D’autant plus troublant qu’Emad Khashoggi avait reconnu les difficultés du marché du grand luxe en France en évoquant Londres comme une destination plus porteuse.
13.000 éléments de pierre taillée

Il est vrai aussi que dans cette étrange transaction, bien peu d’éléments sont certains. Même la surface des lieux. Ainsi sur le site Internet de Vinci dont les filiales Lainé-Delau et Degaine ont mené le chantier, on évoque une «demeure de prestige de 7300 m² bâtie sur le modèle du château de Vaux-le-Vicomte». Le constructeur souligne aussi «la pose de 13.000 éléments de pierres taillées, allant des frises à triglyphes aux tables sculptées surmontant chacune des baies vitrées composant le château» et les «pièces du château qui ont changé de destination en cours de chantier».
Quant à l’intérêt de bâtir au XXIe siècle une bâtisse copiant le Grand siècle français, Philippe Berthon, président du Cercle généalogique et historique de Louveciennes croit avoir une explication. «Pour les nouveaux riches, souvent chez les étrangers mais aussi pour certaines fortunes françaises récentes, se rattacher à ce genre de construction cela peut donner un statut, explique-t-il. On devient un roitelet. Sans compter que racheter un vieux château et le remettre au niveau de confort actuel reviendrait encore plus cher.» Il faudra donc encore patienter quelques moments pour que Louveciennes connaisse l’identité de son nouveau «roitelet».
Vendredi 18 Décembre 2015
Yusufa Niang