… « Lumière ! Te voilà enfin… je t’ai cherchée loin d’ici, loin de moi, et tu étais en moi… » C’est avec ces mots que nous entamons notre propos concernant un compatriote dont l’engagement d’artiste, de penseur s’exprime à travers la peinture, la poésie et la philosophie. Lumière? Nous la retrouvons dans sa maîtrise parfaite de son art au service de l’Harmonie. Lumière? Nous la retrouvons dans sa pensée philosophique qui célèbre la Tolérance. Lumière? Nous la retrouvons dans sa poésie pleine de grâce qui sublime l’Amour. La dimension de son œuvre est en harmonie avec l’amour qu’il porte à l’humanité parce qu’il a un cœur formaté par les vertus de la tolérance. Une tolérance que ses tableaux, tel que Die Menschen (Les Hommes), expriment avec éloquence.
Ndém, village situé à quelques encablures de la ville sainte de Tivaoune, l’a vu naître en 1938. C’est un plaisir de l’écouter parler de son village natal. Il le chérit par les mots et ses actions de tous les jours. Grâce à l’amour qui les lie comme un cours d’eau et son lit, l’affection qu’il porte au vivant et son attachement au culte du savoir, ce petit fils du célèbre savant de l’islam et philosophe émérite Khaly Madiakhaté Kala y construisit en compagnie de l’un de ses amis et frères de nationalité allemande, il y’a de cela plusieurs années, beaucoup d’infrastructures au grand bonheur des populations de manière générale et des enfants en particulier : une école, un château d’eau, un réseau d’énergie solaire pour l’éclairage des foyers entres autres actions à son actif. Nous le disons en implorant son indulgence, le professeur n’aime pas les panégyriques. Cependant, Montesquieu disait qu’« il n’est pas indifférent que le peuple soit éclairé».
Chez Mamadou Khaly DIAKHATE, il n’existe pas de frontière entre la richesse esthétique de sa production artistique et l’éthique de son agir au quotidien. C’est un véritable créateur de mondes paisibles sur le socle de son triptyque qu’il garde toujours en bandoulière dans sa noble mission d’ambassadeur de son pays, de l’Afrique et de l’universel: Tolérance Amour Harmonie. « Le peintre aux doigts d’or » vogue sur les vagues des vérités cachées pour nous reconstruire les valeurs positives de l’humain ; il fait baigner ses traditions, ses métissages, ses réalités, ses rêves… dans un bain de lumière mystique. « Je ne cherche pas, je trouve » disait Picasso. Les flots d’ondes qui irriguent ses tableaux créent toujours la surprise et l’émotion. C’est ce qui fait son génie et son talent. C’est notre ami martiniquais, l’éminent peintre Ernest Breleur, qui nous fit l’honneur de nous faire participer à son œuvre colossale « Portrait sans visage », en compagnie d’autres écrivains du monde comme le Goncourt Patrick Chamoiseau pour illustrer ses beaux tableaux, qui disait qu’il faut que l’art surprenne, soit imprévisible… il a parfaitement raison. Nietzsche parle de condition physiologique indispensable : « l’Ivresse ».
Mamadou Khaly DIAKHATE est l’un des peintres les plus réputés de notre époque, les plus respectés de la terre ; il a révolutionné cet art en ayant un jour l’audace de se servir de ses doigts comme instruments de travail en lieu et place du pinceau. Aujourd’hui, il constitue une école pour des peintres de tous les continents. Emerveillé à l’âge de seize ans par la plume magnifique de Chateaubriand, Victor Hugo disait : « Je veux être Chateaubriand ou rien. » Allez demander à ces nombreux artistes peintres membres des Cercles d’amis de l’artiste au Sénégal, en France, en Allemagne… s’ils ne nourrissent pas ce vœu d’être un jour « Mamadou Khaly DIAKHATE ou rien » ! Son humilité extraordinaire leur aurait, sans doute, conseillé de rester les grands artistes qu’ils sont eux-mêmes, de ne jamais confondre initiation et imitation. Son œuvre mérite bien cette dévotion que lui vouent jeunes et adultes du monde… car il n’est pas toujours évident de trouver chez un artiste virtuosité, profondeur, finesse, inspiration et technique en même temps; cela renvoie au mystère du message messianique. C’est pourquoi les musées, les universités, les grands collectionneurs d’art, de par le monde, ne se font pas prier pour s’arracher ses toiles.
Nous avons vécu, dans sa voiture qui nous menait vers sa vaste maison à l’architecture très poétique au Lac Rose, une grande émotion devant sa sollicitude à notre égard, encore une autre matérialité de sa générosité. A ses côtés, on apprend toujours. Très attaché aux valeurs de solidarité et d’entraide, chaussant toujours, sans relâche, les souliers de sa foi de musulman pratiquant; il passe son chemin sans faire de bruit, habillé souvent de noir. DIAKHATE faufile… Depuis son passage à l’école des beaux arts de Marseille en 1959 et à l’Association Philotechnique en 1961, l’homme noir, de petite taille au regard pénétrant parcourt le monde pour offrir son amour en partage et susciter dans les comportements la tolérance afin que l’humanité puisse vivre en harmonie la « Paix profonde ». Parce qu’il soutient avec raison que c’est l’ignorance qui abêtit l’homme. Parti en Allemagne, en 1972, pour un séjour d’une semaine, il va s’y installer finalement pendant plus d’un quart de siècle avec de fréquents retours aux sources durant lesquels il expose au Lac Rose ou participe à des rencontres comme ce fut le cas lors de la biennale Internationale de Dakar en 92 et de celle qui fut dénommée « Dakárt 96 ».
Tel le poète Senghor dans sa fameuse prière adressée au Seigneur du Cosmos « Que je renaisse au Royaume d’enfance bruissant de rêves », l’Afrique habite notre icône internationale en permanence parce qu’il sait que l’arbre ne s’élance à la conquête du ciel qu’en enfonçant ses racines dans sa terre nourricière. Il suffit de visiter certains de ses tableaux pour s’en convaincre : Veuille De Mbekhe, Mutter and Kind (la mère et l’enfant) etc. Et, subitement, la supplication du président Boumediene devant ses pairs de la ligue Arabe nous revient à l’esprit : « Ne me mettez pas en demeure de choisir entre l’Afrique et le monde arabe… » ; Maître, personne ne le mettra « en demeure de choisir entre l’Afrique » et l’Allemagne… il est DIAKHATE l’Africain l’Allemand. Car, en vérité, ce monde… n’est-il pas ce « Village planétaire » dont parlait l’actuel Secrétaire Général de la Francophonie Monsieur Abdou DIOUF? L’art, surtout celui de l’Africain l’Allemand, s’affranchit des frontières.
Du 09 au 18 janvier 2009, il nous avait gratifiés encore d’une exposition de ses œuvres monumentales au musée Théodore Monod (ex Ifan). Le Chevalier des Arts et des Lettres du Sénégal avait fait de ce rendez-vous celui du Sénégal, de l’Afrique et du Monde entier ; le rendez-vous des attractions inédites, des sensations inouïes, des questionnements qui projettent l’être dans les horizons des réalités inconnues, immatérielles… au dessus de l’infini… un voyage spirituel de l’Âme Eternité dans les hauteurs insondables de l’ivresse… En voyant son œuvre intitulée Kosmischer Tanz (La Danse du Cosmos) ; quelle impressionnante rupture dans l’élaboration de l’image entre la lumière et les corps dansants dans l’espace évolutif! C’était la fête de l’amour qu’il définie comme « réalisation de l’idéalité ». Nous nous étions laisser draguer par son gala de Lumière, le mariage n’en était que plus heureux. Nous souhaitons à ses tableaux singuliers, captivants, remplis de philosophie et de poésie l’éclatant succès qu’ils ont toujours eu auprès du public. Pour un tel patrimoine culturel du Sénégal, il serait grand temps qu’il reçoive les honneurs de la nation toute entière pour que notre génération et celles du futur puissent s’inspirer de son exemple.
Tafsir Ndické DIEYE
Auteur de polars et de poésie
Consultant au Cabinet Thorinius consulting
Membre du pôle programme de Macky 2012
E-mail :ndickedieye@yahoo.fr
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