Aux observateurs de la scène politique sénégalaise : Bi et double nationalité (Par Abdoulaye Wade)


Je voudrais relever au moins deux erreurs qui obscurcissent le débat sur la question ‘’Nationalité et candidature’’ soulevée par le Professeur Guèye.

La question de la nationalité relève d’un secteur du droit que l’on juge généralement difficile qui s’appelle droit international privé, DIP, à ne pas confondre avec droit International public.

Il faut dès le départ distinguer nationalité d’origine et nationalité d’acquisition.
La nationalité d’origine est celle que l’enfant acquiert automatiquement à sa naissance. Elle peut relever du lieu de naissance (jus soli, droit du sol) ou du lien de sang (jus sanguinis). L’enfant n’a choisi ni son lieu de naissance ni ses parents. La nationalité qu’il acquiert du fait de ces deux droits s’impose à lui.

La nationalité d’acquisition est la nationalité que l’on acquiert au cours de sa vie. Elle suppose une demande de l’intéressé, ce qui la différencie de la nationalité d’origine car pour avoir celle-ci, l’individu n’a rien demandé. Il est régi, malgré lui, dès sa naissance par les deux droits sus-évoqués, plus ou moins combinés avec d’autres sources du droit de la nationalité.

Par exemple l’annexion d’un territoire par la guerre, la colonisation ou l’occupation peuvent supprimer la nationalité des habitants du territoire conquis, annexés ou colonisés et leur conférer celle du conquérant ou un autre statut.

A titre d’exemple, les Français, au 19ème siècle ont conquis le Sénégal et déclaré leurs habitants sujets français, par opposition à citoyens français. Le sujet n’a aucun droit. Comme le paysan de l’époque de la royauté en France il est taillable 1 et corvéable à merci.

On lui impose une nationalité, d’autre part le droit du sang Ici, il n’a pas choisi ses parents.
On réserve le terme bi nationalité à l’acquisition involontaire de deux nationalités d’origine.

Le terme double nationalité est relatif au cas où l’acquisition de l’une des nationalités est volontaire, ce qui suppose une demande.

La nationalité, les conditions de son acquisition et de sa perte sont définies librement par chaque pays.
En France l’acquisition de la nationalité française alors qu’on a une autre nationalité suppose seulement des conditions telles que la durée du séjour, le parler correct et la bonne compréhension de la langue, …etc mais on perd la nationalité française par l’acquisition d’une autre nationalité.

Seulement la perte de la nationalité française n’est pas soumise à des formalités. En Allemagne, la possession de la nationalité allemande n’est pas compatible avec une autre nationalité. C’est pourquoi lorsque quelqu’un réunit toutes conditions pour avoir la nationalité, il doit fournir la preuve formelle qu’il n’a plus sa première nationalité.

Dans le système sénégalais, le Sénégalais qui sollicité la nationalité allemande doit saisir le chef de l’Etat d’une déclaration de renonciation à la nationalité sénégalaise et, le Chef de l’Etat, s’il accepte cette demande, prend un décret de perte de la nationalité sénégalaise, lequel est produit aux autorités allemandes qui visent ce texte dans leur décision d’octroi de la nationalité allemande.

C’est pourquoi, il y a souvent confusion entre « binationalité » en un seul mot ou « bi nationalité » en deux mots et « double nationalité ».

Les binationaux sont nationaux d’origine de deux pays dès la naissance, soit par le lieu, soit par le sang du père ou de la mère.

Par contre celui qui a une nationalité d’origine et, à un moment donné de sa vie, acquiert volontairement une autre nationalité, s’il conserve la première et si la deuxième ne prohibe pas le cumul de deux nationalités, a une double nationalité. On dit qu’il est un double national.

En l’espèce, la confusion est souvent commise même par des professionnels du droit, enseignants, magistrats et avocats, simplement parce que le DIP est un droit difficile et nuancé. A titre illustratif, Karim Wade étant né de père sénégalais est sénégalais, au regard du Code sénégalais de la nationalité, il a la nationalité sénégalaise d’origine.

Etant né à Paris, France, d’une mère française, il a la nationalité française d’origine. Donc il est doublement français par le jus soli (droit du sol) et par le jus sanguinis (droit du sang de par sa mère française)

La bi-nationalité et la double nationalité sont traitées différemment pour ce qui concerne la perte de la 2e nationalité.

Rappelons que le droit français prescrit que l’acquisition d’une autre nationalité fait perdre la nationalité française même si c’était une nationalité de naissance, mais l’acquisition d’une autre nationalité n’est pas soumise à des formalités françaises.

Nous avons vu ce qu’il en était de l’acquisition de la nationalité allemande
Le professeur Serigne Babacar Guèye avait, récemment, tenu un raisonnement très cohérent d’un professionnel du droit qui sait de quoi il parle.

Saisis par lés émigrés qui se sentent victimes d’une discrimination dans les conditions d’admissibilité de la candidature à la présidence de la République, il constate, pour le déplorer, qu’il y a une différence de traitement entre deux Sénégalais, l’un qui est fils de sénégalais restés au Sénégal et le fils d’immigrés sénégalais en France qui a acquis la nationalité française d’origine par le jus soli ou par le jus sanguinis ou par acquisition.

Alors qu’il n’est rien demandé au Sénégalais non émigré, le Sénégalais émigré doit, à peine d’irrecevabilité de sa candidature, prouver qu’il est de nationalité exclusivement sénégalaise, ce qui signifie pratiquement qu’il doit renoncer à sa nationalité française d’origine ou d’acquisition.

Peu d’émigrés seront tentés par une telle aventure où on sacrifie d’abord une nationalité qui apportait de nombreux avantages. De sorte que notre législation actuelle constitue pour les émigrés un obstacle dissuasif, ce qui est antidémocratique.

Le Sénégalais fils d’émigrés doit d’abord renoncer à la nationalité française pour être candidat. S’il échoue, ses chances étant minimes, il aura perdu sa nationalité française qui lui était très utile. Autrement dit la loi actuelle est plus exigeante pour le Sénégalais de l’extérieur que pour le Sénégalais de l’intérieur et c’est là que réside la discrimination qui, pourtant, est interdite par notre Constitution.

Il y a une autre injustice. Personne ne peut prouver qu’il est de nationalité exclusivement sénégalaise car cela supposerait que l’on apportât la preuve qu’on n’a aucune autre nationalité, donc présenter autant de documents de non nationalité qu’il y a d’Etats membres des Nations-Unies, ce qui est impossible.

Le terme « exclusivement » introduit une impossibilité car si on peut prouver qu’on n’est pas français, belge ou autre, on ne peut pas prouver qu’on est exclusivement belge, allemand, sénégalais ou français.
Une difficulté réside dans la question de savoir qui doit soulever l’objection de binationalité ou de double nationalité ? Pourquoi soulever cette objection pour tel candidat et pas pour les autres ? Pourquoi singulariser un candidat ?

Comment justifier que l’on singularise un candidat plutôt qu’un autre et qu’on lui demande, lui seul, de prouver qu’il n’a aucune autre nationalité que sénégalaise alors que Macky Sall lui-même ne peut pas le prouver qu’il n’est pas américain alors que la plupart des sénégalais sont convaincus qu’il a acquis la nationalité américaine, qu’il est domicilié à Houston où il possède une maison ? Qu’est ce qui prouve que sa femme et, surtout ses enfants, n’ont pas la nationalité américaine ?

Si l’on demande à une personne dont la bi nationalité est connue de prouver qu’elle est exclusivement de nationalité sénégalaise, la même preuve devrait, à peine de discrimination, être exigée de tous les candidats.

Si le juge constitutionnel lui prescrit de prouver qu’il a une seule nationalité, la sénégalaise, il ne pourra pas prouver qu’il n’est pas, par exemple canadien ou espagnol ou gabonais.

Pratiquement, binational ou double national candidat est astreint à renoncer à sa deuxième nationalité pour se présenter à l’élection présidentielle. On dresse donc devant eux un obstacle dissuasif de taille car aucun d’entre eux ne se risquerait à renoncer à sa nationalité française qui procure beaucoup d’avantages alors que les chances d’être élu Président de la République sont quasi-inexistantes.

Pour lever cette discrimination, le Professeur Serigne Babacar Guèye propose de distinguer entre l’admissibilité à la candidature qui devrait se limiter à exiger la preuve de la nationalité sénégalaise et l’installation aux fonctions de Président de la République, un étranger ne pouvant pas être Président de la République du Sénégal.

Dans ces conditions, même si on exclut du bénéfice de la distinction le double national qui, volontairement, s’était détourné de la nationalité sénégalaise, le binational, par contre, devrait pouvoir s’inscrire sur la liste des candidats avec sa seule nationalité sénégalaise. Mais, s’il est élu, il doit renoncer explicitement à sa deuxième nationalité avant de pouvoir prêter serment et être installé.

Abdoulaye Wade

Agrégé des Faculté de Droit et des Sciences Economiques, Paris
Ancien Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université de Dakar, Sénégal
Membre de l’Académie Internationale de Droit Comparé (Stockholm, Suède)
Membre de l’Académie des Sciences d’Outremer (Paris, France)
Member of the International Academy of trial lawyers 
(association nationale d’avocats américains); siège à San Jose de Californie.
Ancien avocat aux barreaux de Besançon et Grenoble (France), Dakar (Sénégal)
Président de Africa-WIC, Wade International Consulting, Ajman, Emirats
Mercredi 10 Février 2016




1.Posté par max le 10/02/2016 13:13
Ablaye nak doff na complétement, il palabre sur milles lignes pour occulter la vérité: pour faire acte de candidature la constitution exige que le potentiel candidat déclare sur l honneur qu'il est de nationalité exclusivement sénégalaise. (point barre) soit le candidat est OK avec la loi ou il MENT; dés cet instant il risque la haute trahison qui pourra lui etre opposé à tout moment pour etre jugé et condamné. Tout le reste c du bla bla

2.Posté par Peps le 10/02/2016 13:16
Allez quand on touche le fils, le père porte sa robe d'avocat, Karim amel gueu ak ceu pape, wade faut pas nous prendre pour des démeuré aussi, Karim n'a eu la CNI senegalaise qu'en 2012, pendant tout ce temps que tu étais son p-re et que lutter pour être le PR de ce pays, il ne respecte même pas les sénégalais. Nous ne voulons pas d'un Toubab, l'esclavagisme a été abolie, et la colonisation c finit gassi

3.Posté par Me Doudou SANGOTT le 10/02/2016 16:25
Je crois reconnaître la touche scripturale d’une certaine ViViane W. Vert dans plusieurs des expressions et dans la syntaxe de ce texte.

D’ailleurs certains paragraphes sont amphigouriques et n' ont surement pas été relus par notre éminent juriste.

Je crois reconnaître la touche scripturale d’une certaine ViViane W. Vert dans plusieurs des expressions et dans la syntaxe de ce texte.

D’ailleurs certains paragraphes sont amphigouriques et n' ont surement pas été relus par notre éminent juriste.




Je crois reconnaître la touche scripturale d’une certaine ViViane W. Vert dans plusieurs des expressions et dans la syntaxe de ce texte.

D’ailleurs certains paragraphes sont amphigouriques et n' ont surement pas été relus par notre éminent juriste.

4.Posté par souley ndiaye le 10/02/2016 17:09
éh way ndaw samba ya beug lou tigo.
mais cest ca la vie permettez, au moins que ceux qui sont exclusivement de nationalité senegalaise et qui regardaient de maniere envieuses leur compatriote qui par la force des choses sont binationaux, de jouir de maniere exclusive de cet "avantage d etre senegalais"tout comme aussi les binationaux ont un double avantage eu a egard a leur binationalité.
on peut pas tout avoir dans la vie .momoulén senegal itam!!
Donc cette loi est bonne on la maintient qui se sent sengalais fut t il né de parent ou né sur le sol n'a qu a renoncer a sa nationalité. té djeun diaan si pakh té désse YALLA.
votre analyse est subjective M.ancien avocat ,ancien doyen et actuale president WIC

5.Posté par Aboudji le 10/02/2016 17:22
Dans tous les cas, le fait d'opter pour une nationalite est un acte volontaire et reflechi que chacun fait a sa majorite. Bi ou double nationalite est en consequence un faux debat.

6.Posté par Pks le 10/02/2016 18:38
Maitre Wade a enfin souligner un sujet pertinent. Demonstration singlante dans ce vacarme d obtention de nationalite, de déchéance de nationalite de traitement différencié des citoyens. Ces discourts ne produisent à terme que la guerre. arrêtez net ce jeu!
PKS

7.Posté par ndeyssane le 11/02/2016 10:09
EN DEFINITIVE IL S'AGIT ICI DE TRAITER LE SUJET DE DISSERTATION SUIVANT "BI NATIONAL ET DOUBLE NATIONAL: comparez"

8.Posté par Racine le 11/02/2016 10:15
L'article est intéressant, la dissertation juridique est bien argumentée, mais le candidat est hors sujet. en effet, il traite de la différence entre bi-nationalité et double nationalité.Or, l'article 28 de notre Constitution ne parle ni de l'une ni de l'autre : elle prescrit exactement que ''Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, ........'' Au moment du dépôt de la candidature, il n'est demandé à aucun candidat de prouver autre chose que sa nationalité sénégalaise, parce que, effectivement, il est impossible de produire un document attestant une nationalité exclusive. C'est en cas de contestation, devant le Juge, que la preuve doit être apportée (par exemple par le candidat X, qui produit une copie du passeport non sénégalais du candidat Y qu'il met en cause). Ce document est effectivement opposable au candidat Y, à charge pour lui d'apporter la preuve qu'il a renoncé à cette 2ème nationalité (française par exemple), en produisant un document officiel qui en atteste. Ne nous laissons donc pas embarquer sur un sujet différent de ce que prescrit cet article 28. J'ajoute même être favorable à une modification de cet article, en le renforçant de la façon suivante ''Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise depuis 25 années au moins, jouir de ses droits civils et politiques, ........'' : cela nous éviterait toutes ces candidatures fantaisistes que présentent des gens autrement intentionnés qui ont passé toute leur vie hors du pays.....

9.Posté par Mor Tine le 12/02/2016 18:44
En tant que citoyen apolitique, je pense k Me Wade soulève une idée non négligeable. Présenter sa nationalité sénégalaise en prouvant kon n'a pas une quelconque autre nationalité dans un autre pays est impossible, car aucun candidat a la présidence ne le jamais fait. Dès lors pour ne point lésé personne des réformes doivent être faites sur les critères des dossiers de candidature.



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